Pour la première fois dans l'histoire récente des projets de lois de financement de la Sécurité sociale, la Haute Assemblée a consacré un « débat thématique » à l'assurance-maladie, suivi de l'examen des articles de cette branche, qui plombe à elle seule les comptes du régime général.
Cette expérience pourrait dans l'avenir être étendue aux autres branches de la Sécu (famille, vieillesse et accidents du travail). Pour la commission des Affaires sociales du Sénat, qui a souhaité cette innovation, il s'agit de transformer la discussion « fourre-tout » du budget de la Sécu en une série de « vrais débats passant au crible la situation et les perspectives de chaque branche ».
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Pour Jean-François Mattei, plus que jamais désireux d'expliquer sa réforme « indispensable » du système de Sécurité sociale, dont le PLFSS 2003 ne fait que poser quelques jalons, la discussion tombait à point nommé. Il s'agissait, notamment, de répondre aux accusations de la gauche et des syndicats de salariés qui, depuis le ballon d'essai lancé par Jacques Barrot, redoutent les conséquences d'une révision des rôles respectifs de la Sécu et des régimes complémentaires.
Le ministre a donc axé son intervention sur « le besoin de responsabilité », seule voie possible pour « inverser la spirale du déclin ». Une responsabilité qui doit concerner tous les acteurs car « l'augmentation des dépenses de santé est inéluctable ». L'Etat doit d'abord respecter « une exigence de vérité », ce qui se traduit en 2003 par un objectif de dépenses plus « réaliste », par la mise en place d'un « collectif social » (PLFSS rectificatif) au printemps, par le groupe de travail sur la « médicalisation de l'ONDAM » ou encore la loi quinquennale de santé publique, axée sur la prévention. Les gestionnaires de l'assurance-maladie, de leur côté, doivent créer les conditions de la « confiance », en abandonnant les « contrôles tatillons et infantilisants ». Quant à la médecine de ville, le gouvernement lui demande clairement de se « rénover » en s'engageant massivement dans la FMC, les actions d'évaluation et les bonnes pratiques. C'est le pari osé de la maîtrise médicalisée, qui ne convainc toujours pas la gauche. « Les économies attendues des génériques et de la réduction du nombre de visites seront temporaires, a déjà mis en garde le sénateur socialiste Bernard Cazeau . Les pratiques, en réalité, ne changeront pas. L'invocation de la confiance ne suffit pas. »
Les assurés, a réaffirmé Jean-François Mattei, n'échapperont pas « comme les autres » à l'effort collectif. Après avoir déclaré récemment qu'il faudrait sortir du « tout-gratuit » (formule qui a provoqué de vives réactions), le ministre a précisé sa pensée. « Responsabiliser les patients, c'est leur faire prendre conscience que rien n'est gratuit. La Sécurité sociale est un pot commun dans lequel chacun met ses ressources. Lorsque le pot est vide, on s'interroge. » Une interrogation qui continue d'inquiéter l'opposition. « En réfutant les propos musclés de Jacques Barrot, a déclaré le sénateur communiste du Rhône, Guy Fischer, vous êtes restés dans le clair-obscur de la nouvelle gouvernance. En réalité, nous allons vers une privatisation rampante. » « Ce budget est celui de tous les dangers, qui porte en germe une Sécurité sociale à deux vitesses », a-t-il ajouté, sous les applaudissements de l'opposition.
Comme on s'y attendait, la droite sénatoriale a approuvé la démarche « difficile » du gouvernement, en modifiant à la marge le texte déjà adopté par les députés (baisse des taxes sur les cigarettes en revenant à la hausse de 17,7 % prévue par le gouvernement ; suppression de la surtaxe des bières fortes ; rétablissement de la taxe due par les laboratoires sur leurs ventes directes de médicaments aux officines). Pour Jean-François Mattei, qui a aussi profité de l'examen du PLFSS au Sénat pour faire adopter un amendement clé sur la permanence des soins, désormais mission d'intérêt général (« le Quotidien » du 21 novembre), une première étape est franchie. Mais chacun en convient : le plus dur reste à faire, comme en témoignent les nombreux groupes de travail mis en place, qui renvoient le cur de la réforme à l'année prochaine.
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