NICOLAS SARKOZY a donc décidé de monter en première ligne sur le dossier de la Sécurité sociale. Ce qui n'est pas une surprise en soi, dans la mesure où ce thème a été largement abordé lors de la campagne présidentielle de 2007 et des élections législatives qui ont suivi. Mais cela confirme que le chef de l'Etat est bien décidé à aller vite en la matière.
Il s'agira surtout aujourd'hui de fixer un calendrier des réformes de 2008, mais personne ne s'y trompe vraiment : la machine est enclenchée et le président, qui réunit aujourd'hui, autour du Premier ministre et des ministres concernés (1), les partenaires sociaux – salariés et patronat –, souhaite que soit précisé un programme de rencontres et de discussions afin que la réforme soit élaborée au début de l'été, comme il l'a affirmé à maintes reprises. Pour autant, il faut bien reconnaître que cette conférence au sommet, dont l'arbitre sera le conseiller social du président, Raymond Soubie, traitera de thèmes et de préoccupations qui ont déjà ou vont être abordés par les divers groupes de travail qui se réunissent depuis plusieurs semaines. Qu'il s'agisse bien évidemment des états généraux de l'organisation de la santé, dont la première réunion de synthèse doit avoir lieu vendredi, ou de la mission Larcher sur l'hôpital, du groupe de travail Ritter sur la mise en place des agences régionales de santé ou des travaux de la mission Flajolet sur les inégalités de santé.
Accès aux soins
Le sujet est essentiel pour les organisateurs de ce « sommet ». Il concerne aussi bien la répartition des médecins sur le territoire, la démographie par spécialité, le problème des hôpitaux locaux et, plus généralement, celui de l'harmonisation géographique des établissements de soins, la permanence des soins. Ces thèmes figurent d'ailleurs dans la lettre que le président a fait parvenir aux responsables des syndicats salariés et aux représentants du patronat. Mais il s'agit aussi, dans l'esprit de Nicolas Sarkozy, de mettre en place un processus «limitant les dépassements d'honoraires en ville et à l'hôpital» afin de protéger «les plus modestes». Les représentants des syndicats médicaux, libéraux et hospitaliers, pourront s'étonner de ne pas avoir été invités à participer à cette rencontre alors que ces thèmes sont abordés. Le président insiste aussi sur la nécessité de «renforcer la qualité des soins, grâce à la formation et à l'évaluation des pratiques des professions de santé, mais aussi en adaptant l'offre de soins aux besoins nouveaux».
Le problème des franchises fera-t-il partie du programme ? La lettre du président ne le dit pas. Mais il semble difficile de l'éluder, dans le cadre de ce chapitre sur l'accès aux soins, tant le sujet est d'actualité. Alors même que les opposants à cette disposition affirment qu'elle est un frein à l'accès aux soins, que le collectif contre les franchises organise vendredi un rassemblement et que des malades atteints d'une affection de longue durée poursuivent une grève des soins.
Réforme de l'hôpital
«C'est une bombe», commente un expert. Et, de fait, des voix de plus en plus fortes se font entendre pour s'inquiéter des projets du gouvernement en la matière. Le président dans sa lettre aux partenaires sociaux reste vague, trop vague sans doute. «Il s'agit de proposer, écrit-il, des solutions durables pour mieux organiser l'hopital». Une mission, si l'on se souvient bien, qui incombe d'abord à la mission Larcher installée en octobre dernier par… le président de la République et qui doit faire des propositions concrètes en avril. Mais quelles relations entre les travaux de cette commission élyséenne et ceux de la mission Larcher ? Pas de réponse pour l'instant. Il n'empêche que les esprits s'échauffent et que le malaise est perceptible dans les établissements. Des urgentistes qui ne décolèrent guère, des personnels et des praticiens qui s'inquiètent ouvertement, des déficits qui ne se comblent pas… Les exemples sont légion de ce mal-être des acteurs de l'hôpital. A cet égard, les deux pages que le « Monde diplomatique » de février offre aux Prs André Grimaldi, Thomas Papo et Jean-Paul Vernant qui y dénoncent «le traitement de choc pour tuer l'hopital» sont significatives de la crise actuelle dans les établissements, même s'il est évident que ce constat est loin d'être partagé par tous.
Financement de l'assurance-maladie
Souvenons-nous : la réforme Douste-Blazy de 2004 devait se traduire dès 2007 par l'équilibre des comptes de la branche maladie du régime général. On en est loin. L'année dernière, le déficit a dépassé les six milliards d'euros et la loi de financement de la Sécurité sociale 2008 table sur un déficit de 4,2 milliards cette année. Il n'est pas certain que le pari soit réussi. Certes, l'instauration des trois franchises (voir plus haut) sur les médicaments, les transports sanitaires et les actes paramédicaux devraient rapporter en année pleine 850 millions d'euros, mais l'on sait qu'elles devraient servir à financer en particulier le plan Alzheimer cher au chef de l'Etat : elles seront une économie pour l'assurance-maladie mais en aucun cas une recette. D'où la volonté du gouvernement et du chef de l'Etat de trouver d'autres remèdes. Et revoilà, du coup, de retour sur le devant de la scène le remède de la TVA sociale qui, pourtant, n'a guère laissé de bons souvenirs aux élus de la majorité présidentielle. Le rapport Attali (« le Quotidien » du 23 janvier) va encore plus loin puisqu'il préconise une hausse de 1,2 point de la TVA, mais aussi de la CSG (contribution sociale généralisée). Des solutions qui peuvent paraître contradictoires avec la volonté du président de la République de privilégier la croissance et le pouvoir d'achat des Français. «Il faut naturellement définir les conditions de l'équilibre financier de l'assurance-maladie», écrit Nicolas Sarkozy dans sa lettre aux partenaires sociaux. En agissant sur les recettes, mais aussi par de nouvelles mesures d'économies. Alors que la réforme sur les franchises médicales est encore loin d'être digérée par les Français et que les déremboursements de médicaments, pour autant qu'ils sont moins critiqués, n'apportent guère d'oxygène tant qu'ils concernent des spécialités peu chères, la marge de manoeuvre du gouvernement est très étroite.
Une «branche» spécifique pour la dépendance
C'était une des promesses du candidat Sarkozy. Le président de la République veut la tenir rapidement. Il s'agit de mettre en place une nouvelle « branche » du régime général de la Sécurité sociale. Ainsi, à coté de la maladie, de la vieillesse (les retraites), de la famille et des accidents du travail, une cinquième branche devrait être créée : celle de la dépendance pour financer les soins, mais aussi aider les personnes accompagnantes de ces patients. Le chef de l'Etat est dans sa lettre très précis : « La création d'un cinquième risque de protection sociale, écrit-il, permettra de répondre aux attentes des personnes dépendantes et de leurs proches. Parce qu'il s'agit d'inventer un nouveau droit de la Sécurité sociale, nous devrons préciser la méthode permettant d'en définir l'étendue, le financement et le mode d'organisation.»
Le rendez-vous d'aujourd'hui laisse légèrement sceptiques les partenaires sociaux qui ne manquent pas de noter que les multiples rapports demandés par le président et le gouvernement sont loin d'être achevés et qu'il est, dès lors, difficile de bâtir une réforme. Et de dénoncer, pour certains d'entre eux, une initiative qui est «du pur affichage». Il n'empêche, l'Elysée a fait passer le message : faute d'accord, le gouvernement interviendra et légiférera. Ambiance...
(1) Outre le Premier ministre, François Fillon, les ministres des Affaires sociales, Xavier Bertrand, de la Santé, Roselyne Bachelot, et du Budget, Eric Woerth, participeront à cette réunion.
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