Après les compagnies d'assurances, les professionnels de santé et la plupart des confédérations de salariés, la Mutualité française annonce à son tour une série de propositions qu'elle juge « réalistes, justes et adaptées » pour réformer l'assurance-maladie. Bien qu'elle soit tardive, la feuille de route mutualiste, nourrie par des milliers de réunions préparatoires a, contrairement à d'autre contributions plus modestes, la légitimité et la force politique d'un mouvement fort de 18 millions d'adhérents, qui est, de loin, le premier financeur des dépenses de santé après la Sécu.
La FNMF écarte autant l'étatisation « inavouée » (qu'elle subit de plein fouet avec les baisses de remboursement des médicaments) que la privatisation, qui conduit au « démantèlement de la Sécurité sociale ». Elle rejette un transfert mécanique de charges des régimes obligatoires vers les mutuelles, ou encore un partage « artificiel et comptable » du marché de la santé entre le « gros risque » et le « petit risque ». La FNMF prône une voie « bien française », dont le socle serait un partenariat « équilibré » reposant sur trois piliers forts : l'assurance-maladie obligatoire, les mutuelles et les professions de santé, avec lesquelles il s'agirait de « contractualiser » pour développer une politique de gestion du risque commune, l'Etat restant garant de la solidarité.
Part de rémunération forfaitaire et capitation
Cette corégulation tripartite du système, surtout valable pour la médecine de ville, dont les mutuelles assument 40 % des dépenses, serait préparée en amont par une Haute Autorité indépendante qui déterminerait l' « utilité médicale » des actes et prestations. Les responsables mutualistes l'ont redit à Toulouse : le rôle de « payeur aveugle » ne leur convient plus. Mais qu'on ne s'y trompe pas : résolument novateur, le projet mutualiste risque de heurter une partie du magistère médical.
L'organisation de l'offre de soins serait recentrée sur les soins de premiers recours. D'ailleurs, la Mutualité n'hésite pas, dans ses réflexions, à s'inspirer de l'option médecin référent, un système qui, jusque-là, a convaincu peu de généralistes et de patients. « L'important, c'est que le système soit mieux balisé, qu'on s'y retrouve », nuance Jean-Pierre Davant.
Le développement des pratiques coopératives et de l'exercice en groupe répond, selon la FNMF, à cette même logique de continuité des soins. La mise en place d'un « dossier médical partagé obligatoire » va dans la même direction. Mais la Mutualité va plus loin pour réguler l'offre, brisant sans le dire le tabou du conventionnement automatique. En médecine ambulatoire, le conventionnement pourrait par exemple intégrer des critères liés aux bonnes pratiques : prescriptions en DCI, bon usage des antibiotiques, évaluation agréée, etc.
La contractualisation avec les professionnels de santé passerait par des engagements réciproques comportant des incitations financières. L'idée de protocoles de soins médicalisés, pour dépenser au mieux chaque euro, n'est pas écartée. Chaque année pourraient être définies quelques pathologies sur lesquelles les efforts devront être portés. Convaincue que la qualité des soins évite des gaspillages, la Mutualité suggère, comme Jacques Chirac, d'aller plus vite et plus loin dans la mise en place de la maîtrise médicalisée. En matière d'évaluation des pratiques, il faudrait, selon la Mutualité, passer de la logique expérimentale à l'obligation, également appliquée à la FMC.
Enfin, sans supprimer le paiement à l'acte, la FNMF juge urgent d'instaurer de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé libéraux : part forfaitaire pour des actions de coordination ou de prévention, mais aussi rémunération partielle à la capitation pour la prise en charge de pathologies chroniques. Une perspective qui risque de faire réagir les syndicats de médecins, qui verront sans doute dans ces orientations une fonctionnarisation rampante.
Le médicament n'est pas oublié. Mise en place d'études post-AMM, qui n'existent pas aujourd'hui, nouvelle politique de formation et d'information basée sur les DCI, développement d'outils d'aide à la prescription, éducation du consommateur... : dans ce domaine également, une panoplie de mesures est suggérée par la Mutualité, qui ne souhaite plus que l'Etat fixe les prix.
Mais la révolution est peut-être ailleurs : dans toute sa réflexion, la Mutualité aborde l'ensemble de la prestation en santé, au-delà des soins strictement curatifs. Prévention, éducation sanitaire, handicap, dépendance, accompagnement... : c'est finalement une assurance santé universelle que la FNMF appelle de ses vux. Mais la mise en place de cette couverture sociale « complète » exigerait sans doute un autre financement que les cotisations assises sur les seuls revenus du travail.
82 % des Français ont confiance dans les mutuelles
Présenté lors du congrès, le sondage CECOP/CSA sur la perception des mutuelles par les Français, réalisé en avril 2003 auprès de 1 005 personnes, est à la fois encourageant et un peu déroutant pour le monde mutualiste. Certes, 82 % des Français ont plutôt confiance dans les mutuelles (contre 38 % pour les compagnies d'assurances), chiffre stable par rapport à 2000. Certes, le taux de satisfaction à l'égard de sa mutuelle est excellent (41 % de « très satisfait » et 52 % d'« assez satisfait » contre seulement 1 % de « pas satisfait du tout »). Mais un quart des personnes estiment que le prix payé pour leur mutuelle devient « excessif », indice en forte augmentation. Surtout quand il s'agit de définir l'esprit mutualiste, la « solidarité entre cotisants » (12 %, taux en chute de 11 points par rapport à 2000) est citée bien après la rapidité des remboursements (24 %) ou le bon niveau des remboursements (23 %), et à égalité avec la qualité des services proposés. Les mutuelles tendraient-elles, de ce point de vue, à se banaliser ?
C. D.
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