Jean-François Mattei ne pouvait rêver pire rentrée.
Alors que la crise sanitaire provoquée par la canicule n'a pas fini de faire des vagues, le ministre de la Santé ne se fait plus aucune illusion sur ce qui l'attend sur un autre dossier dont il a directement la charge : les comptes de la Sécu.
A la lecture du rapport traditionnel que la commission des comptes lui remettra officiellement mercredi 17 septembre, Jean-François Mattei risque d'avoir le tournis. Selon « Les Echos » du 1er septembre, le régime général accuserait des déficits record, au-delà des projections les plus sombres : une dizaine de milliards d'euros pour 2003 (les dernières estimations, datant de mai, faisaient état de 7,9 milliards) et, si rien n'est fait, une quinzaine de milliards d'euros l'année prochaine. Certes, la commission des comptes avait anticipé au printemps dernier « le creusement du régime général », mais la profondeur du gouffre peut surprendre. « Pour 2003, cette dégradation de deux milliards d'euros ne me semble pas impossible car l'activité a été plus faible que prévu, analyse François Goulard, député UMP du Morbihan. En revanche, je ne crois pas du tout qu'on atteindra 15 milliards en 2004 car l'économie risque de rebondir. »
Un PLFSS « prudent, trop prudent »
Reste que le gouvernement ne peut ignorer cette pente dangereuse. Excluant toujours l'augmentation de la CSG, qui n'est « pas à l'ordre du jour », il va devoir trouver rapidement d'autres recettes mais surtout tenter d'infléchir enfin la croissance des dépenses de santé, qui se poursuit au rythme annuel de 6,5 %. « Soyons clairs : pour l'instant, rien n'a été fait de sérieux pour diminuer les dépenses ! », analyse sèchement un député de la majorité qui conseille au gouvernement de regarder « ce qui vient d'être fait par les Allemands » (voir ci-dessous).
Parmi les pistes avancées avant l'été figurait notamment une mise à contribution financière des assurés par le biais d'un forfait de 0,5 à 1 euro par feuille de soins ou par boîte de médicament. Mais le gouvernement aurait renoncé à toute thérapie de choc, préférant toujours réformer le système à dose filée, d'ici à 2005, comme Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin l'ont laissé entendre avant l'été. « On s'achemine vers un PLFSS 2004 prudent, trop prudent...(projet de loi de financement de la Sécurité sociale) », confirme un bon connaisseur du dossier. Dans cette hypothèse, la mise en place d'un nouveau ticket modérateur d'ordre public ne serait évidemment pas retenue. Dans l'entourage du gouvernement, on insiste sur l'impréparation de l'opinion et la difficulté de trouver sur ce sujet un consensus. « Je vois mal s'appliquer en France les mesures draconiennes prises en Allemagne », constate un parlementaire proche de Jean-François Mattei.
L'année dernière, le ministre de la Santé avait déjà défendu un « PLFSS de transition ». L'histoire pourrait donc bien se réécrire.
Un an pour installer la maîtrise médicalisée
A l'heure des derniers arbitrages, Jean-François Mattei a en tout cas une occasion rêvée de prendre le pouls de l'opinion. Depuis hier, il consulte méthodiquement les responsables des organisations syndicales dans le cadre de la modernisation du système de protection sociale. L'hypothèse de la création d'une branche spécifique de la Sécurité sociale consacrée à la dépendance a été évoquée. Après la CFDT, FO et la CGT, le ministre de la Santé reçoit aujourd'hui notamment le Dr Jacques Reignault, président du Centre national des professions de santé (CNPS), et Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. Nul doute que l'un et l'autre rappelleront au ministre les exigences respectives des professionnels de santé libéraux et des assurés sociaux. Les efforts devront être équitablement répartis. « Si on ne traîne pas, nous pouvons nous engager à mettre en place les outils de la maîtrise médicalisée dans les douze mois, comme l'a demandé le président de la République », affirme le Dr Reignault, au nom du CNPS . « Mais, prévient-il aussitôt, il faudra alors ouvrir aussi le débat sur le panier de soins, sur les choix en matière de prise en charge : or, après les retraites, il semble que le gouvernement hésite à lancer deux grandes réformes dans la même année. »
La préparation du nouveau budget de la Sécu s'apparente à une équation insoluble. La réalité de la situation comptable exige à l'évidence, au-delà des traditionnelles recettes de poche ou du transfert de la dette sur les générations futures, un plan de grande envergure, dont le gouvernement hésite toujours à poser la première pierre.
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