« C'EST UNE DÉCLARATION de guerre. » Le ton est donné par le Dr Philippe Cuq, porte-parole de la nouvelle Union des chirurgiens de France (Ucdf), qui promet « le chaos », au lendemain de la prise de position du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) sur le « point 9 » et le secteur optionnel prévus par l'accord chirurgiens du 24 août 2004.
Ce fameux « point 9 » engageait les parties signataires « à mettre fin, au plus tard le 30 juin 2005 et toutes spécialités confondues, à la problématique (des anciens chefs de clinique-assistants ou Acca) qui ne peuvent actuellement disposer d'un choix de secteur d'exercice en leur rendant ce choix ». Le texte laissait planer l'ambiguïté entre deux hypothèses : soit les quelque 4 000 Acca de secteur I concernés (dont environ 900 chirurgiens) accéderaient au secteur II à honoraires libres, soit ils pourraient choisir entre leur secteur I à tarifs opposables et un nouveau secteur optionnel assorti d'un espace de liberté tarifaire encadré, à compter du 30 juin.
Le conseil de l'Uncam (où siègent les représentants des partenaires sociaux) a tranché dans le vif jeudi dernier, alors que le directeur général de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, sollicitait un mandat pour négocier les contours de ce secteur optionnel avec ses partenaires conventionnels, les syndicats Csmf, SML et Alliance. Le président Cfdt de l'Uncam, Michel Régereau, a indiqué dans un communiqué que, « à l'unanimité, le conseil de l'Uncam a manifesté son opposition à toute réouverture du secteur II » à l'intention des 20 % de chirurgiens libéraux ayant opté pour le secteur I lors de leur première installation. Cette position, partagée, on le sait, par le gouvernement, n'est sans doute pas étrangère au faible soutien populaire recueilli par « l'exil » outre-Manche plutôt raté de seulement 350 chirurgiens en mai. Elle s'est appuyée en tout cas sur une note de la direction de l'Uncam, selon laquelle « l'ouverture du secteur II pourrait faire disparaître toute offre de soins à tarifs opposables, dans certaines spécialités et départements ». La même note souligne « que le niveau déjà important des dépassements facturés par les praticiens de secteur II ne pourrait qu'augmenter » si le secteur à honoraires libres était rouvert. Elle évalue déjà le montant moyen des dépassements à « 48 % des honoraires remboursables » aujourd'hui chez les chirurgiens généraux, orthopédistes, urologues et les neurochirurgiens.
Mais le conseil de l'Uncam ne s'est pas arrêté là. Il a bloqué toute négociation sur le secteur optionnel en estimant que celle-ci n'était pas opportune dans le contexte actuel. Cette instance prend acte de la « revalorisation substantielle, de + 25 %, des tarifs des chirurgiens qui respectent les tarifs conventionnels », d'après les chiffrages publiés lors de la parution de la première mouture de la Classification commune des actes médicaux techniques (Ccam). « Compte tenu du niveau de cette revalorisation et de la situation économique et sociale de la population », le conseil de l'Uncam « a estimé qu'une nouvelle discussion sur la définition du secteur optionnel spécifique (aux chirurgiens) ne saurait intervenir » avant la mise à disposition « d'informations précises sur les effets réels de la nouvelle Ccam (...) entrée en application en avril 2005 ». Dans l'entourage de Michel Régereau, on se refuse à évaluer en nombre de mois le délai fixé puisque « cela dépend des données dont le Conseil disposera ».
A la Csmf, le Dr Michel Chassang « n'est pas surpris » du rejet de la réouverture du secteur II, mais il trouve la position des conseillers de l'Uncam « inacceptable » dès lors qu'ils « bottent en touche et ne résolvent pas le problème, faute d'alternative ». Il considère aussi qu'ils font fi des autres spécialités concernées par le point 9, en particulier « les pédiatres, psychiatres, endocrinologues, les internistes » qui n'utilisent pas la Ccam technique pour facturer leurs actes cliniques.
Le président du SML, le Dr Dino Cabrera rappelle que l'accord chirurgiens du 24 août 2004 « engageait les ministres, le directeur et le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie » et que, de ce fait, il ne peut être réduit à « un chiffon de papier sans effet ». Le Dr Cuq s'étonne de même que, « l'Etat ne soit pas capable de faire respecter les accords signés ». Le Dr Jean-Gabriel Brun, de l'Uccsf-Alliance, dénonce, dans une lettre adressée à Michel Régereau, ce casus belli et l'accuse de « rouvrir un conflit purement idéologique ».
A la présidence de l'Uncam, on réplique que la donne a un peu changé : la convention médicale du 12 janvier est devenue la nouvelle « loi des parties, entre médecins libéraux et assurance-maladie ». Or le texte charge ses signataires de « finaliser les modalités de mise en œuvre » des points de l'accord chirurgien qui les concernent.
Toujours est-il que « les téléphones vont sonner partout ces jours-ci », en particulier au ministère et chez les partenaires sociaux, prédit le Dr Cabrera. Du côté des chirurgiens, on parle déjà de moyens de communication plus radicaux, allant du « non-paiement des charges sociales » à « l'anarchie tarifaire ».
Et, pour finir, la Cour de cassation devrait mettre son grain de sel dans la cacophonie ambiante en rendant ces jours-ci un arrêt dans des affaires défendues par l'Association pour l'ouverture du secteur II (Apos2)...
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