Secrets de famille

Une affiche montrant des cyclistes chevelus nus sur leur vélo, assortie d’un titre où il est question de « merditude », c’est moyennement engageant. Pourtant, voilà bien un des films les plus forts de cette fin d’année. La Merditude des choses, de Felix van Groeningen, est l’adaptation du roman autobiographique d’un écrivain belge, Dimitri Verhulst, qui a passionné flamands et néerlandais dès sa publication en 2006. L’auteur y raconte son enfance, puis son difficile passage à l’âge adulte dans une famille incroyable, entre un père alcoolique et trois oncles tous pareillement portés sur la beuverie et la drague. Sous le regard bienveillant d’une grand’mère dépassée par les évènements, le jeune Gunther tentera de se « démerder » au mieux. Devant certaines scènes paroxystiques, on songe au meilleur Pialat, ce qui n’est pas un mince compliment. Un film remuant, secouant, émouvant aussi, alliance miraculeuse d’humour, de cynisme et de romantisme noir qui ne devrait laisser personne indifférent.

Même romantisme mais dans un style plus racé, chez Francis Ford Coppola, qui revient avec Tetro. Depuis qu’il a connu des succès planétaires (Le Parrain I, II et III) et récolté deux palmes d’or (Conversation secrète, Apocalypse now), Coppola n’a plus rien à prouver. Il signe désormais des films qui sont autant d’expériences nouvelles, pour le plaisir. Plaisir d’exorciser certains démons personnels (un des personnages de cette histoire de règlements de compte familial est musicien - comme son père Carmine Coppola). Plaisir de diriger Vincent Gallo, excellent en écrivain torturé, exilé en Argentine, déstabilisé par l’arrivée imprévue de son jeune frère. Plaisir de revenir à la belle image, avec un noir et blanc scintillant, qui rappelle le superbe Rusty James. Plaisir aussi de découvrir des talents (ici, Alden Ehrenreich, sorte de nouveau DiCaprio). Un film romanesque, fiévreux, et magnifiquement mis en scène.