Comme celui du médecin, le secret professionnel du magistrat a un caractère quelque peu « sacré », rappelle Alain Putz (vice-président du tribunal de Paris), puisque le serment de prestation stipule qu'il doit être gardé « religieusement ». Il n'en est pas pour autant absolu.
La loi française prévoit certaines dérogations (maltraitances, maladies contagieuses, etc.) et les textes récents de l'Union européenne font état d'exceptions en vue de l'intérêt général. « L'évolution de la jurisprudence européenne se fait vers une analyse des risques », menée au cas par cas, où il s'agit de répondre à la question : qu'est-ce qui est le plus dangereux ? Garder secret ou révéler tel fait ?
Pour le Pr Roger Henrion (Paris), « la France reste un des pays européens où le secret médical reçoit l'application la plus stricte ». Ainsi, le médecin ne peut pas être délié du secret par le malade lui-même, alors qu'il existe des situations (infection par le VIH, par exemple) où il serait important que la famille ou le(la) conjoint(e), voire le (la) futur(e) conjoint(e) soient prévenus. N'y a-t-il pas là quelque chose qui s'apparente à la non-assistance à personne en danger ? Aussi, le Pr Henrion s'oppose-t-il au « dogme » du secret médical au profit d'une conception mise en pratique depuis longtemps aux Etats-Unis, dans laquelle le médecin peut être délié du secret dans une série de cas limités et précis.
En son âme et conscience
Il rappelle la position soutenue à l'unanimité de ses membres par l'Académie de médecine en 1994 : le médecin devrait pouvoir être délié du secret par son patient et, « en son âme et conscience », pouvoir décider de transmettre une information au futur(e) conjoint(e), conjoint(e) ou partenaire. Au cas où cela lui poserait un réel problème, il devrait pouvoir prendre conseil auprès d'un médecin de son choix, sur une liste établie par les autorités compétentes. Le Pr Henrion rappelle cependant que ces propositions se sont heurtées à de très vives oppositions, motivées essentiellement par le respect de la vie privée.
Pour le Pr Josué Feingold (INSERM), les problèmes rencontrés par le généticien sont du même ordre, puisque le diagnostic de maladie génétique transforme souvent ce qui était une maladie individuelle en maladie familiale. Très proche des positions qui viennent d'être résumées, il estime qu'il serait souhaitable de s'inspirer des généticiens américains, pour qui le secret doit être levé quand le bénéfice attendu pour la famille est jugé supérieur au préjudice encouru par le patient.
Le Pr Gérard Lévy (Paris) a souligné l'acuité de ces problèmes dans le cas des mineures ayant besoin d'une contraception d'urgence ou d'une IVG. Le proviseur du lycée, par exemple, doit-il être informé (le contraire semble difficile), mais alors, est-il dans l'obligation de prévenir les parents de l'absence de leur enfant ? Question provisoirement résolue par une médecin scolaire du public assistant au débat : le certificat médical établi par le médecin scolaire n'a pas à mentionner de diagnostic et vaut comme justification de l'absence, nul besoin d'avertir les parents. Commentaires du président, le Pr Jacques Milliez : « Je n'aimerais pas être à la place du proviseur qui, certainement, n'aimerait pas être à la nôtre. » D'autres débats en perspective, donc.
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