La CPAM de Paris a pris en charge l'accident dont a été victime le 16 avril 2003 Mme X..., salariée de la société G. C., et lui a reconnu un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %. L'employeur a demandé l’annulation de cette décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris. Celui-ci, s'estimant insuffisamment informé a, par jugement du 6 octobre 2005, ordonné une instruction complémentaire. Le président du tribunal du contentieux de l’incapacité a pris une mesure d’instruction radicale : par ordonnance du 23 octobre 2005, il a enjoint sous astreinte au service médical de la CNAMTS détaché auprès de la CPAM de lui faire parvenir, à l'intention du médecin consultant qui devait être désigné, toutes pièces administratives et médicales relatives à cette affaire, ces dernières éventuellement sous double enveloppe avec la mention « secret médical ».
On devine l’émoi de la CPAM devant cette ordonnance du président du tribunal. Le médecin-conseil, qui était chef du service médical au sein de la CPAM, a demandé la rétractation de cette ordonnance. Il faisait valoir notamment que le secret médical lui interdisait de transmettre les documents médicaux. Le tribunal du contentieux de l’incapacité a refusé de rétracter l’ordonnance du juge. La Cour nationale de l’incapacité et de la tarification, saisie du litige en appel, a confirmé la décision du tribunal. Elle a considéré que l’assuré social qui sollicite un avantage social en réparation d’un préjudice renonce volontairement, dans son propre intérêt, à opposer le secret médical instauré en sa faveur par l’article 4 du Code de déontologie médicale. Cette décision de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification était critiquable. Elle portait un coup terrible au secret médical. En effet, suivant cette décision, la caisse de sécurité sociale (et en cas de litige les juridictions du contentieux de l’incapacité) pourraient obtenir de façon automatique le transfert de toutes les informations médicales concernant l’assuré. « Secret médical ou prestations sociales : il faut choisir » : tel est en substance le sens de la décision de la Cour. Une telle solution est radicalement incompatible avec les textes qui consacrent le secret médical et notamment avec l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique qui prévoit que toute personne prise en charge par un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant.
Peut-on lever le secret médical?
Cette décision est, fort logiquement, censurée par la Cour de cassation. Celle-ci décide que « ni l’accord de la victime, ni son absence d’opposition à la levée du secret médical ne peuvent résulter de la simple sollicitation de prestations ». Le seul fait de solliciter une prestation sociale ne vaut pas renonciation au secret médical. Le secret médical ne peut être levé qu’avec le consentement exprès du patient.
La décision de la Cour de cassation mérite nous semble-t-il une pleine approbation. Elle est pleinement respectueuse du secret médical. Cette décision ne résout cependant pas toutes les difficultés que peut soulever le secret médical devant les organismes d’attribution des prestations sociales ou les juridictions du contentieux de l’incapacité. En effet, qu’advient-il lorsque l’assuré refuse de livrer certaines informations qui sont indispensables pour apprécier la réalité de son préjudice ?
La Cour de cassation s’est déjà prononcée sur cette difficulté dans l’hypothèse voisine d’une demande de prestation faite auprès d’une compagnie d’assurance (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 juin 2004, Le Généraliste n° 2347 du 28 octobre 2005). Elle a décidé que, en cas de refus du patient de lever le secret médical, « il appartient aux juges d’apprécier, au besoin par une mesure d’instruction, si l’opposition de l’assuré tend à faire respecter un intérêt légitime ou à faire écarter un élément de preuve et d'en tirer toute conséquence quant à l'exécution du contrat d'assurance ». Concrètement, l’assuré s’expose au risque de voir ses demandes rejetées, sauf s’il parvient à convaincre le juge que son refus est motivé par la volonté de protéger un « intérêt légitime » (par exemple, le refus de communiquer une information précise touchant à l’intimité de la personne).
L’assuré qui sollicite une prestation conserve donc la maîtrise du secret médical. Cependant, pour faire valoir ses droits, l’assuré pourra lui-même décider de livrer certaines informations couvertes par le secret médical.
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