Il existe actuellement un consensus pour considérer que la SEP est une maladie à composante auto-immunitaire, comportant donc une rupture de la tolérance immunitaire (encadré). Ce consensus se fonde sur un faisceau d'arguments, revisités ces toutes dernières années. Certains sont connus depuis quelques temps, comme la présence plus important chez les malades d'un infiltrat de lymphocytes T et B que chez les sujets sains, ou bien la synthèse d'anticorps qui se produit dans le LCR (ce qui sert à assurer le diagnostic).
Plus récemment, on a mis en évidence des lymphocytes T dirigés spécifiquement contre des antigènes myéliniques. Telle la MBP (Myelin Basic Protein, ou protéine basique encéphalitogène), largement représentée dans la myéline. Telle aussi la PLP (Proteo-Lipid Protein ou protéine protéolipidique), la protéine majoritaire de la myéline. Ou bien encore dirigés contre des glycoprotéines, comme la MOG (Myelin Oligodendrocyte Glycoprotein).
Des lymphocytes contre les antigènes de la myéline
Ces lymphocytes sont trouvés également dans le sang de sujets contrôle, mais ils sont plus abondants chez les malades souffrant de SEP.
Par ailleurs, il existe une liaison entre la SEP et des allèles du complexe majeur d'histocompatibilité impliqués dans la réponse immunitaire (allèles DR2).
On conçoit ainsi l'intérêt de développer des stratégies thérapeutiques pour manipuler la réponse immunitaire dans le but de favoriser la tolérance immunitaire ou d'aller contre la rupture de cette tolérance.
Ces approches sont aidées par une meilleure compréhension récente des mécanismes initiaux de la réponse immunitaire. On sait que l'antigène est présenté aux lymphocytes T par une cellule, qui peut être microgliale. Et aussi qu'un mécanisme complexe de co-stimulation est nécessaire pour l'expansion de la réponse immune, à l'aide de molécules localisées à la surface des cellules T et des cellules présentatrices (comme le CD28 sur les lymphocytes T et B7 sur les cellules présentatrices d'antigène).
David Hafler (Boston) et Raymond Martin (Bethesda, Etats-Unis) présentent des éléments nouveaux, fondés sur l'idée que l'activation des lymphocytes T autoréactifs est à l'origine du déclenchement de la maladie. Ces travaux ont permis de montrer que les lymphocytes T dirigés contre la MBP apparaissent déjà activés, en état de cellules mémoire (ils n'ont pas besoin de la coactivation normale).
Cela permet à la fois de mieux comprendre la physiopathologie et de cibler des stratégies thérapeutiques.
Plusieurs approches
Plusieurs approches sont à l'étude.
- L'approche par les cytokines.
En utilisant les cytokines anti-inflammatoires (IL4 et IL10) on espère, par effet antagoniste sur les cytokines pro-inflammatoires (IL12 ou INF gamma), favoriser la médiation TH2 (anti-inflammatoire), sachant que la SEP est une maladie à médiation TH1 dominante. Une des avancées dans cette direction est représentée par les résultats obtenus avec les interférons.
- L'approche par les antigènes.
On cherche à utiliser le mécanisme de tolérance orale (encadré). Un essai de traitement per os par de la myéline n'a pas donné de résultats positifs, mais il eut le mérite de montrer certains éléments de tolérance immunitaire. La stratégie reste d'actualité en utilisant des antigènes de la myéline (comme la MBP) ou des peptides qui pourraient être donnés per os ou par voie inhalée.
- Une autre voie concerne les molécules de la costimulation.
Des stratégies sont en cours de réflexion, dans le but de bloquer ces molécules.
- Une autre réflexion s'intéresse à la réponse inflammatoire qui existe au niveau du SNC dans la SEP. Elle n'est pas uniquement délétère, comme le montrent les travaux de Michael Schwartz (Rehovot, Israël). Certains groupes de recherche s'intéressent à cette « bonne partie » de la réponse immunitaire. Les cellules T activées peuvent sécréter des facteurs de croissance neuronaux, comme le BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor). Expérimentalement, il favorise la survie neuronale et il pourrait avoir des vertus neuroprotectrices.
Plusieurs essais thérapeutiques vont démarrer cette année, à l'aide de nouvelles molécules, visant de nouvelles cibles. Dans quelques mois, l'un d'eux va être entrepris avec une molécule bloquant l'entrée du lymphocyte dans le SNC.
* Les 11es Rendez-Vous de l'ARSEP (Association pour la recherche sur la sclérose en plaques) se tiennent le 5 décembre 2001 au palais des Congrès de Paris.
La rupture
La tolérance immunitaire permet de reconnaître comme siens des antigènes du soi, qui ne sont pas rejetés. Cela est vrai pour les tissus comme les aliments ingérés per os. Ce mécanisme permet le développement d'une grossesse. On connaît un certain nombre de pathologies auto-immunes où se produit une rupture de cette tolérance, comme le diabète insulino-dépendant (destruction des îlots pancréatiques) ou la polyarthrite rhumatoïde (destruction des chondrocytes). De plus en plus, la composante auto-immune apparaît importante dans la SEP.
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