De notre correspondante
à New York
La sclérose en plaques est une maladie auto-immune médiée par les cellules T, caractérisée par une inflammation chronique et une démyélinisation du système nerveux central et provoquée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux.
Un autoantigène pourrait être la protéine basique de la myéline (MBP), car elle peut induire, chez les rongeurs et les primates qui sont génétiquement susceptibles, une encéphalomyélite auto-immune expérimentale ressemblant à la SEP.
Les seuls facteurs de risque définis jusqu'ici sont certains allèles du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) de classe II, en particulier ceux de l'haplotype DR2. Cet haplotype contient trois allèles HLA qui sont associés à la SEP : DRB1*1501, DRB5*0101 et DQB1*0602. Mais puisque ces trois allèles sont presque toujours hérités ensemble, il est difficile de savoir lequel ou lesquels confèrent une susceptibilité à la SEP.
Il faut savoir que les molécules HLA de classe II, et, par conséquent, les molécules DR, déclenchent les réponses immunes en présentant des bouts d'antigènes étrangers aux cellules T (au récepteur cellulaire T ou TCR). Pour chaque gène HLA de classe II, il existe des variantes ou allèles, et chaque individu possède une combinaison particulière d'allèles HLA de classe II, et donc de molécules HLA de classe II. Cette combinaison de molécules HLA de classe II détermine quel type de réponse immune est déclenché par les cellules T contre un antigène particulier.
Les facteurs de risque environnementaux restent à définir, mais ils pourraient inclure des agents infectieux car des infections courantes sont associées aux rechutes de SEP. Il est possible que la SEP soit déclenchée par un antigène étranger qui simule un autopeptide (mimétisme moléculaire). A l'appui de cette hypothèse, les cellules T dérivées des patients affectés de SEP, porteurs des allèles DR2 à risque, répondent à la fois aux peptides de la myéline et aux peptides de virus courants, comme le virus herpès simplex (VHS), l'adénovirus, le virus d'Epstein-Barr (EBV) et le virus grippal A.
L'ennemi et le soi
Une équipe de chercheurs internationaux, dirigée par le Dr Lars Fugger, de l'hôpital universitaire d'Aarhus au Danemark, montre qu'au moins les deux gènes DRB1 et DRB5 pourraient contribuer à la susceptibilité à la SEP. Ils apportent, en outre, un exemple qui explique comment les cellules T peuvent attaquer à la fois l'« ennemi » et le « soi ».
Les chercheurs ont isolé un clone de cellules T chez un patient atteint de SEP. A l'aide d'études chez des souris transgéniques porteuses du TCR de ce patient, l'équipe démontre que ce TCR reconnaît à la fois la MBP liée à l'allèle DRB1*1501 et le peptide EBV lié à l'allèle DRB5*0101. En étudiant la structure cristalline de ces deux complexes, les chercheurs ont découvert qu'elles se ressemblent considérablement au niveau de la portion présentée au TCR. Cela explique la réaction croisée avec le TCR. Par conséquent, une infection virale comme l'infection par le virus d'Epstein-Barr pourrait déclencher la SEP chez des individus génétiquement susceptibles (porteurs de ces deux allèles) puisque les cellules T activées par le virus réagissent aussi avec la myéline du SNC.
« Notre étude ne démontre pas que l'EBV déclenche la SEP, ou qu'il est associé à la SEP, prévient toutefois le Dr Lars Fugger, interrogé par "le Quotidien". Elle propose une explication sur la façon dont les cellules T peuvent être trompées pour attaquer à la fois l'"ami" et l'"ennemi". »
L'équipe compte maintenant éclaircir si l'EBV peut vraiment déclencher la SEP chez les souris. « Nous avons généré des souris transgéniques qui expriment les gènes humains de réponse immune associés à la SEP. Nous allons chercher à savoir si l'EBV peut induire un type de SEP chez ces souris », confie au « Quotidien » le Dr Fugger.
« Nature Immunology », 2 septembre 2002, DOI : 10.1038/ni835
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