TROIS REPRÉ- SENTATIONS, c’est peu pour promouvoir un tel événement : il reste encore à créer en France des oeuvres lyriques jamais jouées. Celle-ci, le seul opéra achevé de Schubert, n’a été créée que pour les fêtes commémorant le centenaire de sa naissance à Karlsruhe en 1897. Elle dut attendre ensuite 1988 pour connaître la consécration internationale aux Festwochen de Vienne sous la direction de Claudio Abbado (suivi par le Mai musical florentin en 1995) et les honneurs de l’enregistrement publié par Deutsche Grammophon.
« Fierrabras », sans être une oeuvre mineure, n’est pas un chef d’oeuvre du théâtre lyrique. Bien partie avec un premier acte exposant personnages et action de façon classique et efficace, la construction dramaturgique s’effondre cependant au cours des deux actes suivants. Longueurs dans les développements, nombreuses redites et absence de coups de théâtre bien amenés rendent ces trois heures bien longues. Un vrai suicide dramaturgique dont on ne développera pas ici les péripéties, mais pas plus indigne cependant que les opéras sérias de l’époque classique dans les mêmes développements d’affrontements entre Chrétiens et Maures.
Mais, la musique est magnifique même si elle n’est pas toujours en situation avec l’action. Schubert a particulièrement réussi ce qu’il sait faire le mieux. Les mélodies surtout, et les amateurs de ses lieder peuvent reconnaître sa façon et, ça et là, l’utilisation de mélodies connues (l’oeuvre est contemporaine de « Die Schöne Müllerin »). Les choeurs, que Schubert affectionnait, sont particulièrement soignés tout comme l’orchestration qui est celle d’un grand chambriste, ainsi que la composition des marches militaires pour lesquelles l’action médiévale de style chanson de geste troubadour est un bon prétexte.
Croisades en chambre Biedermeier.
On imagine avec effroi ce qu’aurait donné une mise en scène au pied de la lettre de ces récits de croisades du temps de Charlemagne. Pour mettre en valeur tant de beautés musicales, il fallait présenter l’oeuvre de façon originale et c’est ce qu’a fait avec intelligence Claus Guth pour l’Opéra de Zurich en 1997. L’unité de lieu ne lui a pas fait peur et c’est dans la chambre de style Biedermeier du compositeur, meublée d’un seul piano géant, que se déroulent les trois actes de « Fierrabras ».
Schubert, interprété avec beaucoup de réalisme par le comédien Wolfgang Beuschel, compose au fur et à mesure de l’action son opéra, dont il a été tant frustré de ne jamais le voir représenté.
Habillés comme au temps de Schubert, les chanteurs se transforment un peu selon les besoins de l’action et à la fin tout le monde se retrouve pour le choeur final comme pour une schubertiade.
Musicalement, l’équipe réunie par l’Opernhaus Zürich pour ces représentations (l’oeuvre a été reprise quelques fois cette saison avant d’être montrée au Châtelet) est très homogène avec une prédominance pour les hommes.
Jonas Kaufmann campe un formidable Fierrabras, héroïque et douloureux à la fois. Gregory Banse (Charlemagne), Michael Volle (Roland) et Christoph Strehl (Eginhard) sont solides et distingués. Les deux femmes, Juliane Banse au joli timbre mais un peu fâchée avec les aigus et Twyla Robinson (Florinda), ne déméritent pas non plus. Le Choeur de l’Opéra de Zurich, préparé par Ernst Raffelsberger, était absolument superlatif d’un bout à l’autre de la soirée et particulièrement au troisième acte où plane l’ombre de « Fidelio », de Beethoven. Franz Welser-Möst, malgré une tendance déjà remarquée à Zurich de diriger un peu trop fort, mène cette partition inégale mais savoureuse et restitue ces coloris de lanterne magique qui sont peut-être l’aspect le plus original de l’oeuvre, et l’on se dit en sortant que, même si trois représentations, c’est très peu, on reste ravi d’en avoir été.
Théâtre du Châtelet : 01.40.28.28.40 et www.chatelet-theatre.com Prochain spectacle lyrique : « Peter Pan, ou la véritable histoire de Wendy Angela Darling », fantaisie lyrique de Patrick Burgan, création mondiale, au théâtre Zingaro à Aubervilliers du 20 mai au 1er juin.
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