On sait que l'incidence des désordres psychiatriques, en particulier de la schizophrénie, est fortement corrélée au niveau social. Chez les salariés, par exemple, les chances de diagnostiquer une schizophrénie sont cinq fois plus élevées que dans les autres groupes.
On sait aussi que des facteurs précoces interviennent dans le développement de la maladie - complications obstétricales, infections prénatales, dénutrition - et qu'ils sont plus fréquents dans les populations socialement défavorisées.
Ce que l'on ne savait pas précisément était le rôle du niveau socio-économique à la naissance sur le risque de survenue de la maladie, étant entendu que le fait d'avoir la maladie influe sur le niveau atteint par les individus.
L'étude menée par Fiona Mulvany et son équipe, et publiée dans le « BMJ » tend à montrer que le risque de la maladie n'est pas augmenté dans les classes socialement défavorisées. L'étude a porté sur 352 patients qui étaient admis pour la première fois à l'hôpital Saint John of God de Dublin (Irlande) avec un diagnostic de schizophrénie, entre janvier 1984 et mai 1993. Le groupe contrôle a été établi en fonction du sexe et de l'âge à partir du registre des naissances de la ville.
L'étude des paires cas-contrôles montrent que pour 149 paires le niveau social était plus élevé, contre 126 où le niveau était plus faible et 77 où il était le même. L'analyse établit que les patients issus de milieux défavorisés ont un risque moindre de développer une schizophrénie. Le risque est en effet légèrement plus élevé dans les classes à haut niveau socio-économique (odds ratio 0,59). Les auteurs concluent à l'absence de de relation entre la classe sociale à la naissance et le risque de la maladie.
Cependant, ils observent que les patients issus d'un milieu pauvre sont diagnostiqués plus tardivement : l'âge moyen de leur première consultation en service de psychiatrie est de 33,1 ans, alors qu'il est de 24,8 ans dans les classes favorisées. Ils ont aussi constaté qu'à classe sociale égale, les hommes étaient plus jeunes que les femmes lorsqu'ils consultaient pour la première fois.
Une plus grande acceptation dans les milieux défavorisés
Les auteurs ont tenté d'expliquer cet écart de huit ans entre les classes sociales. Ils ne pensent pas qu'il soit dû à un accès au soin plus difficile. En effet, disent-ils « dans notre région les services sociaux sont particulièrement organisés pour les personnes défavorisées ». La meilleure connaissance de la maladie dans les classes sociales élevées peut expliquer que les déviations par rapport au fonctionnement social attendu soient plus vite identifiées. A contrario, des études suggèrent que dans les milieux défavorisés, il existerait une tolérance et une acceptation plus grandes des troubles comportementaux de la maladie. Les psychoses non traitées y seraient plus fréquentes. Quoi qu'il en soit, l'étude montre, selon les auteurs, que « des efforts doivent être faits pour limiter la durée de ces psychoses non traitées » et que « cela passe par une détection précoce qui doit viser tout particulièrement les classes sociales les moins favorisées ».
« BMJ », volume 323, 15 décembre 2001, pp. 1398-1401.
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