L A schizophrénie est une maladie complexe (interaction entre plusieurs gènes et influence de l'environnement), caractérisée par une psychose chronique, des troubles cognitifs et un handicap fonctionnel. Les études de liaison ont évoqué la responsabilité de plusieurs loci génétiques, notamment au niveau des chromosomes 1q, 6p, 8p, 13q et 22q11. Mais ces résultats sont difficiles à reproduire.
Sur le gène 22q11, se trouve le gène de la COMT (catéchol-O-méthyltransférase), une enzyme de méthylation qui métabolise la dopamine. Cette enzyme a été considérée comme une bonne candidate, car cela fait longtemps que l'on pense que la dopamine joue un rôle dans la schizophrénie. Pourtant, si deux études de familles ont effectivement montré un rôle de la COMT dans la schizophrénie, plusieurs petites études cas-contrôles ont été négatives. Actuellement, le rôle de la COMT n'est donc pas clair. Ce qui a conduit l'équipe de Michael Egan (Etats-Unis) à mettre en place une nouvelle étude, portant sur des patients atteints de schizophrénie, leurs frères et/ou sœurs non atteints et des sujets contrôles.
Le cortex préfrontal
Avant d'envisager cette étude, il faut rappeler brièvement que, dans toutes les études sur la schizophrénie, on a retrouvé des troubles cognitifs et des anomalies physiologiques, liés au cortex préfrontal et que, récemment, on a montré que, dans la fratrie saine de ces patients, il existe aussi des troubles cognitifs et physiologiques.
Il faut aussi signaler que des études électrophysiologiques chez les primates et les rongeurs, ainsi que la neuro-imagerie chez l'homme ont montré que la dopamine joue un rôle important en modulant l'activité du circuit préfrontal pendant des tests de mémoire. Or, il se trouve que le catabolisme de la dopamine par la COMT est caractéristique du cortex préfrontal.
Deux variants, val et met, du gène de la COMT
Enfin, il faut rappeler qu'il existe deux variants du gène de la COMT : le variant val, qui réduit l'activité préfrontale de la dopamine, et le variant met, qui l'accroît.
L'équipe américaine a administré un test de mémoire (le Wisconsin Card Softing Test), connu pour activer le cortex préfrontal, à 181 patients schizophrènes, 219 sujets sains de leur fratrie et 75 sujets contrôles sains. Résultat : les sujets porteurs de deux copies du variant val ont eu de moins bonnes performances que les porteurs d'une seule copie de ce variant, et ceux qui possèdent deux variants met ont les meilleures performances.
Les auteurs estiment que la COMT joue à 4,1 % dans la variation des performances à ce test ; ce qui suggère qu'elle influence les fonctions préfrontales.
Quand on demandait aux sujets de la fratrie saine d'effectuer un autre test de mémoire (N-Back) sous IRM fonctionnelle, on a constaté, chez ceux qui avaient deux copies de val, une activité préfrontale moins efficace que celle des sujets ayant une copie de chaque variant ; les sujets ayant deux copies de met avaient la meilleure activité préfrontale.
On a alors étudié 104 parents des sujets inclus dans le travail, et l'on a constaté que val était transmis plus souvent aux enfants schizophrènes que ne le voulait le pur hasard : 75 fois val et 51 fois met.
Même si l'effet de COMT paraît modeste, les auteurs estiment qu'il pourrait être amplifié par l'interaction avec d'autres gènes de susceptibilité ou avec des facteurs environnementaux. Par exemple, un gène exprimé dans l'hippocampe pourrait tripler le risque de schizophrénie.
« L'allèle val de la COMT n'est certainement pas un facteur causal nécessaire ou suffisant de schizophrénie, pas plus qu'il ne concerne que le risque de schizophrénie », préviennent les auteurs. Toutefois, précisent-ils, ses effets biologiques sur la fonction préfrontale et l'implication de la région préfrontale dans la schizophrénie suggèrent qu'il joue un rôle dans cette maladie.
Les auteurs sont en train de planifier une étude pour tester un inhibiteur de la COMT en tant que traitement adjuvant pour stimuler les performances des patients possédant le variant val.
« Proc Natl Acad 0 USA », du 5 juin 2001, pp. 6917-6922.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature