De notre correspondant
« Il est totalement non éthique de prétendre exercer la psychiatrie aujourd'hui et simultanément de ne pas faire de recherche », affirme le Pr Jean Daléry, responsable à l'hôpital du Vinatier de l'unité de recherche spécialisée dans les marqueurs chimiques, cognitifs, psychométriques et électro-physiologiques de la schizophrénie, officiellement inaugurée récemment.
Chef de file incontesté de la recherche sur la schizophrénie, l'organisateur du dernier congrès mondial consacré à cette pathologie mentale à Lyon, en décembre dernier, va même plus loin : « J'irai jusqu'à dire qu'il est scandaleux en 2001 que des équipes de psychiatrie persistent à ne pas s'investir dans la recherche clinique. » L'unité spécialisée du Vinatier possède déjà une longue histoire de travail sur les schizophrénies. Elle entretient des liens privilégiés avec cinq équipes seulement dans le monde, à Londres, Montréal, Pékin, Boston et Monastir. Dans le droit fil de la « révolution conceptuelle » des dernières années concernant la schizophrénie, résume le Pr Thierry d'Amato, qui travaille au côté du Pr Daléry, ses travaux s'inscrivent clairement dans une « approche bio-psychosociale » de la maladie, avec par conséquent un très large spectre : outre la piste génétique, ses collaborateurs utilisent au quotidien l'imagerie cérébrale, notamment en liaison avec l'Institut lyonnais des sciences cognitives (Pr Marc Jeannerod) et le proche centre d'imagerie médicale de l'hôpital neurologique (CERMEP). Ils centrent notamment leurs travaux, résume le Dr Mohamed Saoud, spécialiste de l'étude du mouvement, sur la façon dont les patients schizophrènes vivent leurs émotions, perçoivent certaines odeurs, appréhendent, saisissent et déplacent les objets de leur environnement quotidien.
Vulnérabilité
Toutes les études dans le monde estiment à environ 1 % le pourcentage de la population qui est ou sera atteinte de schizophrénie, rappelle le Pr Daléry. La moitié est victime d'une évolution chronique, 20 % de l'autre moitié peuvent prétendre retrouver après traitement une « vie normale ». Mais, lacune de la recherche, les études épidémiologiques font cruellement défaut, en France surtout, pour déterminer ce que deviennent concrètement les malades, quels sont leur parcours personnel et leur histoire médicale : « Dans notre région Rhône-Alpes, qui doit compter quelque 60 000 schizophrènes, quelques centaines seulement ont recours au système de soins ». En focalisant leurs travaux de recherche sur le concept de « vulnérabilité » face à cette pathologie, notamment celle des adolescents, les collaborateurs du Pr Daléry espèrent à terme « achever vraiment la révolution conceptuelle » de la schizophrénie, en développant dépistage précoce et prévention. « On sait aujourd'hui traiter à peu près correctement à l'hôpital l'épisode aigu de la maladie, conclut le Pr Daléry. Le véritable saut qualitatif dans le progrès conceptuel sera de la diagnostiquer le plus tôt possible pour éviter son expression à travers des troubles sérieux contraignant brutalement à l'hospitalisation. »
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