« Scalpel », la médicale confidentielle de Rony Brauman sur Arte

Ne cherchez pas l'annonce de « Scalpel » dans votre magazine télé. L'audience des programmes de la chaîne culturelle relayée l'après-midi uniquement via le câble et le satellite s'annonce à ce point confidentielle que ce rendez-vous a échappé à l'attention des rédactions spécialisées. Un nouveau magazine médical ne constitue pourtant pas un événement anodin. A fortiori, quand il est signé du très médiatique Rony Brauman.

L'ex-président de Médecins sans Frontières (MSF) a consacré une bonne année à la conception et au tournage des 12 rendez-vous qui vont être diffusés sur la chaîne franco-allemande à partir de cette après-midi*. « Je prétends que nous avons réalisé, avec Eyal Sivan, un magazine créatif et innovant, déclare-t-il au "Quotidien" : pour la première fois, voici un rendez-vous qui aborde la réalité médicale autrement que pour faire la promotion des grands patrons ou la propagande sanitaire. Un magazine qui élabore une réflexion critique sur un certain discours et un certain ordre médical. »

Contre un discours asséché par la technicité

De ce point de vue, le premier numéro de la série, intitulé « Ingénieurs du corps » est édifiant, qui n'hésite pas à s'en prendre frontalement à « une certaine forme de violence médicale (...), celle d'une indifférence à la parole et aux attentes des patients, celle d'un discours codé, asséché par la technicité ».
« Qui, demande Rony Brauman, n'a pas vécu la visite du grand patron, entouré de sa cour en blouses blanches, faisant la tournée du service sans juger utile d'adresser la parole au malade ? Qui n'a pas fait l'expérience d'un médecin à qui on dit avoir mal et qui répond, avec un haussement d'épaules : "C'est normal... C'est pas grave... Ça passera".  »
Au sommaire du bien nommé « Scalpel », les sujets défilent et sont de la même eau : « Médicalement parfait » (pour dénoncer le triomphalisme médical, diffusé le vendredi 16 novembre), « L'évangile sanitaire » (qui traite de la prévention sanitaire antitabac, anti-alcool, anti-HTA, etc., la première des religions modernes, le lundi 19 novembre) ; « Consommez santé » (qui s'en prend à la collusion entre le marketing et les professionnels de la santé qui exploitent la peur de la maladie, jeudi 29 novembre).
S'appuyant sur l'expérience de Rony Brauman à MSF, analysant des concepts qui ne sont pas spécifiques du tiers monde, puisant dans la littérature et s'abreuvant à la sociologie (« Knock », Foucault, etc.), « Scalpel » se garde d'aborder les sujets à la manière d'une émission d'actualité type « Envoyé Spécial », pour se concentrer sur le seul point de vue de la pratique médicale.
Cette « émission de réflexion critique sur les attitudes, les pratiques et les politiques dans le domaine de la santé » est assurément « un magazine mal-pensant », comme le revendique Rony Brauman qui explique que la direction de la chaîne ne lui ait pas réservé un meilleur créneau de diffusion (il avait espéré la première ou la dernière partie de soirée, en diffusion hertzienne).
Les rares téléspectateurs qui pourront allumer leur récepteur TV numérique en début d'après-midi découvriront un générique angoissant, où l'on reconnaît un bloc opératoire aux murs carrelés de blanc, des murs qui se dilatent et se contractent au son d'une musique angoissante. On se dit que ça va faire mal. Chaque épisode se compose de trois parties : une minifiction, un court-métrage tourné dans un esprit proche de « Hara-Kiri », promet Rony Brauman ; suit un documentaire brut de décoffrage, dépourvu de tout commentaire. Un débat, enfin, met face à face l'auteur et son invité du jour. Un entretien de trois quarts d'heure resserré au montage en sept ou huit minutes. Pour gagner encore en incision.

* Rendez-vous deux fois par semaine à 14  h 30 sur le câble et le satellite jusqu'au mois d'avril (premières diffusions les 15, 16, 19, 20, 27, 29 novembre).