METTRE en œuvre des mesures d'hygiène dans son cabinet, c'est viser un but : éviter que les consultants ne contractent une infection. Il est peu probable que les moyens d'y parvenir aient été enseignés en faculté. Certes, les règles d'asepsie sont bien inculquées, lors des stages de chirurgie notamment. Le médecin, par une simple démarche de réflexion, peut en extrapoler des règles pour lui-même et pour son cabinet. A priori insuffisantes.
La Fédération régionale de Formation médicale continue de Bretagne, en collaboration avec le C.Clin-Ouest (centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales), a établi un document à la fois pratique et complet sur les moyens de réduire le risque infectieux au cabinet médical. Il réserve quelques surprises.
Trois grands chapitres peuvent être retenus : la désinfection des mains, celle du matériel et l'entretien des locaux, dernière section riche d'informations méconnues au plan pratique.
Savon liquide et serviettes en papier.
Seul le savon liquide est retenu pour le lavage des mains. Les savonnettes deviennent des milieux de culture. De même, seuls les essuie-mains en papier (à usage unique) devraient être acceptés. La poubelle, enfin, doit être à commande non manuelle et contenir un sac jetable. Il convient de se laver les mains entre chaque patient et avant chaque acte technique.
Après avoir retiré, montre, bracelets, bagues... le nettoyage se fait en insistant sur les espaces interdigitaux, les poignets, et en faisant mousser. Il ne reste plus ensuite qu'à rincer abondamment et à sécher les mains dans un ou deux essuie-tout. Le dernier sert aussi à refermer le robinet.
Si le lavage des mains est réalisé avant un acte simple (examen clinique, injection...) un savon liquide du commerce est suffisant pour 30 secondes en tout de lavage. S'il s'agit d'un acte à haut risque (pose de perfusion, suture, période d'épidémie...), le lavage vise à éliminer ou réduire une flore bactérienne ; il requiert alors un antiseptique liquide pour une minute de savonnage.
Une alternative, dont l'intérêt est croissant, existe avant un acte simple : la solution hydro-alcoolique. Elle trouve sa place au domicile des patients. Les mains doivent être propres et sèches avant que la solution soit déposée. Il suffit de les frotter l'une contre l'autre jusqu'au séchage.
Une difficulté est relevée par le Dr B. Branger (Rennes), qui a rédigé le document : celui des manches longues. Elles se contaminent dans leur partie cubitale au contact des malades. Mais il semble difficile de consulter bras nus, ne fût-ce que pour des raisons thermiques ou de représentation sociale.
Trempage et brossage du matériel.
Le matériel réutilisable doit tout d'abord être immergé dans un détergent ou un détergent-désinfectant*, selon les consignes du fabricant du produit. Il doit ensuite y être brossé, puis rincé et, enfin, égoutté et séché. Si le matériel est thermorésistant, il est mis dans un Poupinel (180 °C, pendant trente à soixante minutes). Cependant, confie le Dr B. Branger, la stérilisation par chaleur sèche risque d'être prochainement déconseillée, voire interdite, au profit du matériel à usage unique. Pour ce dernier, ajoute-t-il, se pose le problème de l'achat, entièrement à la charge du praticien.
Le matériel thermosensible concerne peu la pratique de ville et justifie un protocole spécifique.
L'entretien du cabinet.
Les grands enseignements pour le praticien libéral portent sur l'entretien du cabinet. Peu de médecins peuvent prétendre en connaître les subtilités. S'il est trop long, ici, de les détailler, quelques principes généraux peuvent être précisés.
Eponges, balais et serpillières sont à bannir. Chiffons, chiffons-éponge (ou lavette) ainsi que serviettes en papier ou essuie-tout les remplacent. Pour les lavettes, le jeu des couleurs permet d'attribuer des lieux à chacune d'entre elles. La personne chargée du nettoyage portera une blouse, des chaussures adéquates et des gants de ménage. Le nettoyage se fait toujours du plus propre au plus sale et du haut vers le bas : salle de soins puis de consultation, salle d'attente, accueil, couloirs et, pour finir, toilettes.
Le nettoyage de la salle de soins commence par un dépoussiérage des éléments suspendus, au chiffon humide. Viennent ensuite les surfaces (paillasse, chariot, divan...). Les éviers et lavabos, avec leur lingette dédiée, sont lavés avec un produit récurant puis passés à l'eau de Javel ; la robinetterie à l'alcool dénaturé. Le sol, ensuite, bénéficie d'un dépoussiérage humide suivi d'un lavage désinfectant et de l'application d'un détergent-désinfectant*.
Le matériel, tel que stéthoscope, tensiomètre, garrot, otoscope..., doit être nettoyé avec un détergent-désinfectant* immédiatement après une souillure. Une lingette imprégnée du même type de produit sert à l'essuyage quotidien. Enfin, une fois par semaine, le matériel est démonté et récuré avec ce même produit.
Bureau, salle d'attente, accueil et couloirs, ainsi que leur mobilier, ne requièrent qu'un ménage traditionnel. Seuls le téléphone et les sièges en PVC doivent être passés à l'eau de Javel.
En ce qui concerne les toilettes, il faut appliquer au lavabo un brossage avec une crème à récurer, puis, après rinçage, le désinfecter à l'eau de Javel. Quant à la cuvette, elle doit bénéficier d'un récurage avec une brosse et un produit à récurer, d'un rinçage puis d'eau de Javel à laisser agir pendant quinze minutes. Tirette de la chasse d'eau et siège doivent être nettoyés avec une lingette dédiée imprégnée d'un détergent-désinfectant.
* Voir Vidal, pages oranges, chapitre désinfection.
Le lavage des mains souvent négligé
Une enquête sur les mesures d'asepsie prises par les omnipraticiens a été menée par deux généralistes de Loire-Atlantique, Jean-Yves Chambonet et Patrice Cluis, dans leur département. Ils en ont publié les résultats dans « la Presse Médicale » du 31 janvier 2004.
Cent dix-neuf de leurs confrères ont reçu un questionnaire par voie postale, auquel 69 % ont répondu. La plupart d'entre eux possèdent un poste d'eau dans leur cabinet. Entre deux patients, ils sont 43 % à ne pas se laver systématiquement les mains, ce taux passe à 78 % pour les visites. Le lavage est réalisé dans 23 % des cas avec un savon simple et dans 49 % des cas avec une solution hydro-alcoolique. L'essuyage se fait à 62 % dans une serviette.
« Reste à savoir s'il faut que les médecins généralistes se décontaminent les mains après avoir serré celles de leurs patients... », concluent les deux médecins.
« La Presse médicale » 31 janvier 2004, tome 33, n° 2, pp. 90-94.
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