Les accidents survenus lors de sauts à l’eau effectués depuis des ponts, des falaises et autres barrages défrayent la chronique depuis le printemps. Les victimes sont des jeunes qui se livrent à des défis Facebook, « à l’eau ou au restau ». Des défis en général relevés en petits groupes, filmés au smartphone, mais qui peuvent mobiliser des foules à la manière des apéros Facebook, comme « le grand saut », organisé à Boulogne-sur-Mer, le 8 juin dernier.
À ce jour, on a déploré un mort et divers traumatismes : luxation de l’épaule dans le Bas-Rhin, lésions cervicales et fracture du crâne dans le Pas-de-Calais.
Sauter à l’eau, alors, serait-il plus dangereux qu’effectuer un plongeon ? Dans le premier cas, l’entrée dans l’eau s’effectue par les pieds, dans le second par la tête. Ou plus exactement, tête en bas, par les mains jointes.
Et le tableau d’accidentologie est à la hauteur des performances : la hauteur justement, avec un record du monde à 110 mètres, et des figures plus ou moins acrobatiques effectuées en plongeon avant, arrière, renversé, ou retourné : saltos (demi, simple, double) et/ou vrilles, en position tendue, carpée (corps plié au niveau des hanches), groupée (position carpée avec genoux pliés). Plus c’est acrobatique, plus c’est technique et plus c’est périlleux, plus c’est accidentogéne. « C’est la deuxième cause de tétraplégie après les accidents de la route », témoigne le Dr Michel Enjalbert, directeur du centre de rééducation de Cerbère.
Mais la comparaison avec les dangers encourus en sautant ne va pas de soi. D’ailleurs, le plongeon dit de haut vol (high-dive ou cliff-dive) panache les genres, justement pour des raisons de sécurité : pour ce sport qui a fait l’an dernier son entrée aux championnats du monde de natation, la plateforme étant située entre 23 et 28 mètres, le plongeur entre dans l’eau non pas la tête, à cause de l’importance de l’impact, mais par les pieds. Somme toute, il plonge, mais amerrit comme un sauteur.
Dans 90 % des accidents de plongeon survenus sur une période de dix ans dans le sud de la France, une des régions où l’incidence de cette spécialité est la plus importante, des lésions du rachis cervical avec de possibles atteintes de la moelle cervicale ont été relevées ; le statut neurologique était pour 13 % de ces patients une tétraplégie complète au moment de la prise en charge, avec 6 % de décès après l’admission. 85 % des cas faisaient l’objet d’un traitement chirurgical, malgré lequel 70 % d’entre eux n’évoluaient pas (« Orthopaedics & Traumatology, surgery & research », sep. 2013, 607-613).
« Pour les plongeurs de haut vol (dix mètres et plus), la traumatologie du poignet est également très fréquente, explique au « Quotidien » le Pr Dominique Le Viet (Institut de la main) : lors d’un saut de dix mètres, le poignet subit un choc équivalent à une chute d’1,20 mètre sur une dalle de béton. Sur les 21 membres de l’équipe de France, 18 ont ainsi été traités pour des entorses ou des fractures du poignet. »
L’enquête noyade publiée en 2012 par l’InVS totalise 17 cas survenus lors d’un plongeon, dont 7 mortels (sur un total de 397 morts). Elle ne signale pas noyades consécutives à un saut. Au demeurant, aucune enquête épidémiologique n’a été réalisée sur les sauts dans l’eau, qui échappent à tout encadrement sportif et médical.
Dr Jean-François Corraze, médecin du sport, qui accompagne le club lyonnais Usol, n°1 des clubs français de plongeon.
« Plonger est incontestablement plus dangereux que sauter dans l’eau. Cette dangerosité du plongeon est liée à l’angle de pénétration dans l’eau avec un freinage très brutal qui expose tout à la fois les poignets et les cervicales. Le risque de rotation des cervicales peut entraîner une fracture. Lorsque vous sautez, en revanche, vous n’avez pas d’incidence traumatologique liée à l’angle de pénétration des pieds dans l’eau. On ne relève chez les sauteurs que des fractures de fatigue et des lésions du calcanéum, ainsi que des lésions des ligaments au-dessus des malléoles.
Les dangers du plongeon sont très encadrés. Les piscines municipales n’autorisent l’accès aux plongeoirs de dix mètres qu’aux seuls titulaires d’une licence. Mais il ne faudrait pas exagérer le niveau de risque des plongeons. Je suis aussi médecin d’une équipe de tennis, où je prends en charge une traumatologie bien supérieure. »
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