T ROIS ans se sont presque écoulés depuis la promulgation de la loi contre les exclusions comprenant des textes relatifs à la lutte contre le saturnisme.
Trois années durant lesquelles la France aurait pu, sur la base de ces textes, livrer bataille à la maladie du plomb qui concerne environ 85 000 enfants de 0 à 6 ans dont la plombémie est supérieure à 100 microgrammes par litre (le seuil à partir duquel un enfant est reconnu intoxiqué selon le Center for Disease Control d'Atlanta) (1).
Or, à ce jour, moins de la moitié des départements français (30 sur les 73 qui ont répondu) disposent d'un plan de dépistage et de lutte contre le saturnisme, inscrit dans les PRAPS (programme régionaux d'accès à la prévention et aux soins), selon une enquête menée par la Société française de pédiatrie.
Une des commissions de la société de médecine, la commission précarité, a adressé au conseil général et à la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) de chaque département un questionnaire, afin « d'établir un bilan de l'état d'avancement des actions engagées contre le saturnisme ». Elle a obtenu 102 réponses provenant de 73 départements et certaines désillusions : « Il est surprenant et décevant que tant de régions, tant de départements n'aient engagé aucune action », déplore le Dr Michel Berthier, l'un des responsables de la commission. Ainsi, une quinzaine de départements seulement ont mis en place un zonage permettant d'expertiser systématiquement les logements construits avant 1948 et qui sont l'objet de transactions immobilières. Seulement 15 départements sont en mesure de déclarer des signalements de saturnisme.
Selon les auteurs de l'étude, les signalements d'accessibilité au plomb, à savoir le signalement d'immeubles susceptibles de présenter un risque d'exposition, sont rares. Onze départements en ont réalisé plusieurs dizaines. Par ailleurs, dans la moitié des départements, un comité de pilotage est en place, généralement piloté par la DDASS, mais qui ne comporte pas toujours un pédiatre.
La Société française de médecine bataille notamment pour que le seuil à partir duquel un enfant est reconnu intoxiqué, et que les pouvoirs publics n'ont toujours pas fixé, soit le moins élevé possible.
Un combat difficile, car le coût des travaux dépend de ce seuil. Prenons l'exemple des Yvelines : 10,6 % des enfants y habitent des immeubles construits avant 1949 et ont une plombémie supérieure à 100 microgrammes par litre. En retenant ce seuil, les travaux concerneraient 107 logements. En revanche, en utilisant un seuil de 150, comme les pouvoirs publics l'ont proposé à plusieurs reprises, les travaux ne concerneraient plus que 18 logements. « Pourtant, explique le Dr Berthier , les 89 logements où habitent les enfants, situés entre 100 et 150, sont dangereux. »
« Il n'y a pas actuellement en France une véritable politique coordonnée de lutte contre le saturnisme, note le Dr Berthier . Les résultats obtenus sont dérisoires. A ce rythme, des décennies seront nécessaires pour espérer de véritables avancées. »
(1) Chiffres INSERM 1999.
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