Saturnisme : les femmes enceintes aussi

Publié le 07/12/2003
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« L'intoxication au plomb est avant tout une maladie des populations défavorisées, rappelle le Pr Jean-Pierre Deschamps, président du jury. Il est impossible, dans ce domaine, de se limiter à l'aspect sanitaire. » Le jury a choisi d'intégrer ses recommandations dans les pratiques existantes : les carnets de santé et de surveillance de la grossesse devraient ainsi mentionner le risque d'exposition ou d'intoxication. Des actions de repérage (et non de dépistage systématique), puis de diagnostic, sont recommandées.

Jean-Pierre Deschamps estime que « l'éducation des familles vient en supplément des mesures correctives de la source de plomb, sans quoi elle est inefficace, voire hypocrite ». C'est pourquoi les recommandations vont dans le sens d'une sensibilisation du public et des professionnels et d'une amélioration de la lutte contre l'habitat insalubre et l'exclusion sociale. « La prévention est d'autant plus essentielle que les traitements chélateurs qui abaissent la plombémie n'ont aucun effet sur les troubles psychomoteurs », précise-t-il, en rappelant le rôle des médecins de ville dans le repérage des populations à risque.
Le jury a également mis l'accent sur l'intoxication de la femme enceinte, « un problème très méconnu », pourtant cause d'avortements spontanés et de retards de croissance, le plomb passant la barrière du placenta, puis continuant d'intoxiquer l'enfant après sa naissance. Le jury recommande donc le repérage des risques, en particulier lors de l'entretien du 4e mois, et la supplémentation en fer et en calcium au moindre doute. Concernant l'allaitement, il se prononce plutôt en faveur d'un maintien dans la mesure du possible, après une réflexion bénéfices/risques.

La surveillance des populations à risque

Quelle conduite tenir face à une population à risque ?
Il faut surtout supprimer les sources d'intoxication, sachant que le préfet peut faire appliquer les obligations de travaux et de relogement qui incombent au propriétaire.
En l'absence d'intoxication, un suivi de la plombémie recommandé tous les six mois à un an jusqu'à l'âge de 6 ans, voire en continu après 6 ans pour les filles (futures mères). Le dosage de la plombémie dans le sang total fait figure de méthode de référence, les autres étant peu fiables ou non évaluées, et s'accompagne d'une fiche de surveillance (téléchargeable sur le site du ministère). Le jury recommande le dépistage systématique de l'entourage d'un enfant intoxiqué et la gratuité de l'ensemble des dosages des Pbs sur tout le territoire.
A partir de 0,5 µm/l (100µg/l) la déclaration est obligatoire. Un contrôle tous les trois à six mois est recommandé. Au-dessus de 1,25 µm/l (250 µg/l) l'enfant doit être adressé à une structure spécialisée pour discuter l'indication d'un traitement chélateur. Une plombémie supérieure à 2,25 µm/l (450 µg/l) constitue une urgence. Le jury recommande également l'inscription du saturnisme (pour l'enfant, plombémie supérieure à 0,5 µm/l soit 100 µg/l) dans la liste des ALD.
Les recommandations seront publiées dans la revue de la SFSP (Société française de santé publique) et devraient servir de matériel au Comité technique plomb interministériel pour des recommandations réglementaires.

* « Intoxication par le plomb de l'enfant et de la femme enceinte - Prévention et prise en charge médico-sociale », conférence de consensus organisée à Lille les 5 et 6 novembre (« le Quotidien » du 12) par la Société française de pédiatrie et la Société française de santé publique, avec la participation de l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé).

Repérage en médecine libérale

Seulement 0,7 % des signalements de saturnisme sont réalisés par des médecins libéraux.
La symptomatologie clinique est non spécifique (signes neurologiques et digestifs, anémie) et prend son sens avec l'évocation d'un séjour régulier dans un bâtiment construit avant 1949, d'un comportement de pica (ingestion de substances non comestibles, comme les écailles de peinture), d'un environnement industriel, d'une situation de précarité, ou d'une immigration récente pouvant faire suspecter une contamination dans le pays d'origine.

Flavie BAUDRIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7441