Elections législatives
De notre envoyé spécial au Mans
Avec son sourire de vieux routier, il en convient : sa circonscription mi-urbaine (Le Mans), mi-rurale, est « très très bonne », c'est même, pour un candidat de droite, la « meilleure de la Sarthe ». Bien sûr, il est favori, député (DL) sortant (élu en 1993, réélu en 1997), vice-président du conseil général et, ce qui ne gâche rien au pays des rillettes, ami personnel du puissant voisin François Fillon, président du conseil régional des Pays de la Loire (avant d'être frappé par le cumul des mandats), et désormais poids lourd du gouvernement Raffarin. Evidemment aussi, le Dr Hellier bénéficie du label de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), sans contestation, ni dissidence à droite. C'est vrai, enfin, il a « soigné beaucoup de gens dans le coin depuis 1969 » en tant que généraliste et jouit, pense-t-il, d' « une très bonne notoriété ».
Mais malgré tous ces atouts, on n'est jamais trop prudent. Contrairement à l'énarque « qui est rempli de certitudes », un médecin, analyse-t-il, a toujours des doutes. C'est une heureuse déformation professionnelle, qui vaut en politique. Les électeurs ont parfois des réflexes imprévisibles, et, ici comme ailleurs, Jean-Marie Le Pen a marqué des points dans les petites communes rurales. En 1997, le Dr Hellier n'oublie pas non plus sa « petite frayeur », lorsqu'il fut finalement réélu au deuxième tour avec 56 % des voix face à une adversaire socialiste, qu'il retrouve sur sa route. Alors, la soixantaine guillerette, il vif mais barbe grisonnante, le
Dr Hellier a décidé de « faire une vraie campagne », sereine mais méthodique. Il multiplie les réunions publiques, « parfois quatre dans la journée,même s'il n'y a que deux personnes pour m'écouter », et les marchés, où il lui arrive hélas, sous le crachin trompeur, de confondre des endives et des asperges. Qu'importe : il visitera sans exception les quelque 80 communes de sa circonscription, parle cinq ou six heures par jour, au risque de se casser la voix. « Parce qu'il faut respecter l'électeur », parce que ne pas venir serait interprété comme du « mépris ». Un vieil ami, qui lui rend service comme chauffeur, confie que le candidat s'endort parfois dans la voiture entre deux déplacements pour récupérer.
Bretteur infatigable
La campagne est harassante, mais le jeu en vaut la chandelle. « Fier » d'être médecin (il conserve un exercice marginal - 2 heures par mois - en ostéopathie au Mans), il est tout aussi « fier d'être député ». Et surtout d'avoir été classé parmi « les 60 députés les plus bosseurs de France » par un hebdomadaire de la région lyonnaise, ce qu'il rappelle à tout bout de champ. « Si je ne le fais pas, personne ne le fera à ma place », glisse-t-il, complice, lors de ses réunions. Car si le grand public ne connaît pas le député Pierre Hellier, les ministres des Affaires sociales ou de la Santé qui se sont succédé depuis quelques années n'ont pu échapper à sa sagacité pugnace. Avec quelques autres experts de droite, il est, dans l'Hémicycle, l'un des bretteurs infatigables sur les sujets sanitaires et sociaux. Le gouvernement Jospin lui doit, entre autres, des interpellations sur le retard français en matière d'équipement IRM, les risques de rupture de stock dans les pharmacies, le surcoût des ordonnances sécurisées pour les prescripteurs, le retard de traitement des feuilles de soins dans les caisses, la création de zones franches sanitaires pour faire face à la pénurie de médecins, la nécessité de former chaque année 200 internes en ophtalmologie, la rémunération des gardes ou encore l'absurdité du calcul de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie) et du mécanisme de sanctions collectives.
Du harcèlement ? Non, de l' « enthousiasme », et parfois un brin d'opportunisme. Le Dr Hellier s'est ainsi fait remarquer en déposant une proposition de loi visant à restaurer la spécialité de gynécologie médicale, un texte qui reprenait à son compte les revendications du comité de défense ayant réuni plus de un million de signatures : rétablissement d'un diplôme de gynécologie médicale spécifique, maintien de l'accès direct et du remboursement de la consultation. Un joli coup.
Mais les échanges, parfois aigres-doux, avec les ministres socialistes, sont déjà loin. L'urgence, martèle-t-il, c'est de donner une « majorité forte » à Jacques Chirac, de refuser le « danger mortel » de la cohabitation, un système « stérile », où les deux chefs de l'exécutif « passent leur temps à se surveiller » et qui fait le lit de l'extrémisme. Le discours est parfaitement rodé, construit d'anecdotes légères et de propos graves. Le Dr Hellier n'hésite d'ailleurs pas à « faire peur », comme à Saint-Paul-le-Gaultier, commune de 264 habitants, où il tient ce jour-là une réunion au café du coin, devant 15 personnes. Après avoir cogné sur les socialistes et les Verts, et entre deux digressions sur la protection des scarabées et les risques du poulet thaïlandais, il invite ses auditeurs à aider la droite républicaine à « remettre de l'ordre », à « remettre la France au travail », à « rétablir la paix à l'école » et surtout à « restaurer l'autorité », celle des parents d'abord, mais aussi des gendarmes, des policiers, des enseignants et des maires.
Evoquant la police « désarmée », fustigeant au passage certaines lois « généreuses et naïves », le « laxisme ambiant » et les excès de la « société de loisirs » hérités « des suites de mai 68 », il affirme qu' « il faut passer par une phase de répression forte et se donner les moyens de réprimer ». « Il n'est pas acceptable que, dans ce pays, le coupable soit mieux traité que la victime », suggère-t-il, avant de s'attaquer, un peu tard, aux rave-parties. La voix est posée, le discours passe.
Tout en reconnaissant qu'il n'aurait sans doute pas tenu les mêmes propos il y a cinq ans et qu'il « dramatise un peu », le Dr Hellier endosse ces oripeaux sécuritaires avec conviction. « Je préfère, explique-t-il , que ce soit la droite républicaine qui mette de l'ordre. » L'argumentaire est toujours le même : « Si la droite échoue, la gauche échoue et la cohabitation échoue, que restera-il dans cinq ans ? L'extrême droite et un vrai risque d'alternance non démocratique... » Dans ses causeries, il évoque Raffarin « sensible à l'artisanat », défend Hervé Gaymard, mais aussi Nicolas Sarkozy « qui est à sa place à la sécurité », Luc Ferry « qui a des idées » et bien sûr Fillon et Mattei, pour lesquels il ne tarit pas d'éloges.
Il y a trois ans, le Dr Hellier a pris ses distances avec Alain Madelin. « Excessif, trop libéral » à son goût. Mais il a choisi de rester inscrit au groupe DL à l'Assemblée nationale, « par fidélité à Mattei justement, un président de groupe remarquable, un homme libéral, social et humaniste », avec qui il a longuement travaillé lors des débats sur la révision des lois bioéthiques, sur les farines animales, ou sur la place et le statut des personnes handicapées.
Aujourd'hui, le Dr Hellier se défend d'avoir une ambition ministérielle mais il se verrait bien confier une « mission » par son ami Mattei. Les débats sur l'euthanasie, par exemple, le stimulent. De toute façon, même s'il le voulait, il ne pourrait s'éloigner longtemps des causes médicales et sociales. Avec une fille « qui travaille à la Sécu » et un fils rhumatologue, la santé, pour le Dr Hellier, est aussi une affaire de famille.
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