UNE JOIE DE GOSSES. La jubilation des députés de gauche à l'annonce du rejet, par une seule voix, du projet de loi OGM ne durera qu'un moment : la Constitution n'empêche pas le gouvernement de régler le problème en réunissant une commission mixte Sénat-Assemblée (ce qu'il a fait dès mercredi après-midi) et de présenter de nouveau le texte dans quelques jours.
La gauche s'efforce de transformer l'essai en soulignant qu'il n'y a pas lieu de revenir sur un vote souverain de l'Assemblée ; mais elle ne peut pas nier que la relance du projet de loi découle du fonctionnement légitime des institutions.
Elle ne doit pas non plus pousser le gouvernement dans ses retranchements. Les OGM n'ont rien à voir à l'affaire (comme le souligne Jean-Louis Borloo, le texte est le plus restrictif du monde et devrait suffire à entraîner un consensus national). La gauche s'est simplement offert le luxe de prendre la droite au dépourvu en réunissant, avant le vote, assez de procurations pour que le texte fût repoussé. Cela ne veut pas dire pour autant que la majorité, telle qu'elle découle des élections législatives de l'an dernier, n'existe plus. À vouloir, par des artifices de procédure qui n'ont pas de signification, mettre en échec le gouvernement, elle l'incitera à employer les grands moyens cette fois et les prochaines, déclenchant ainsi le relatif autoritarisme qu'elle dénonce avant l'heure.
Copé sur la corde raide.
Mais l'incident pose de nombreuses et sérieuses questions. D'abord, le chef de la majorité à l'Assemblée, Jean-François Copé, est placé dans une situation extrêmement embarrassante. Sa volonté, ancienne, de donner de l'oxygène à des députés qui ne veulent plus être des godillots lui a déjà valu d'avoir, avec l'Élysée, des relations tendues ; Nicolas Sarkozy, que l'on ne changera décidément pas, nourrit un grief de plus à l'encontre de M. Copé. Lequel n'a pas vu venir le coup de la gauche et ne saurait nier qu'il tient fort mal ses troupes.
Ensuite, s'il les tient mal, c'est que beaucoup de députés UMP craignent que la politique de M. Sarkozy ne les entraîne vers des échecs électoraux, d'autant qu'ils font face, sur le terrain, à la grogne de leurs mandants. Or, s'il est vrai que le projet de loi OGM est l'un des plus prudents du monde et devrait satisfaire une majorité de Français, que la gauche et l'extrême gauche ont su faire assez de tapage autour du texte pour soulever la méfiance – injustifiée – de l'opinion. Il y a là un élément d'appréciation politique qui est essentiel : les OGM terrifient les Français bien plus que d'autres peuples ; il s'agit d'une peur viscérale et pas toujours raisonnée qui prend sa source dans le principe de précaution, dont les effets augmentent la résistance aux choix offerts par la modernité. C'est ainsi, et il faut prendre le comportement de l'opinion comme un facteur à ne pas négliger.
LE REJET DU PROJET EST MOINS UNE VICTOIRE DE LA GAUCHE QU'IL NE REVELE LE MALAISE DE LA MAJORITE
L'autre problème, pour la majorité, ce n'est pas la victoire – à la Pyrrhus – de la gauche, c'est l'état actuel de l'UMP. Elle est divisée, pas seulement parce qu'elle compte en son sein quelques chiraquiens, mais parce que ceux-là même qui ne juraient que par Sarkozy il y a un an doutent de lui aujourd'hui. Beaucoup de parlementaires UMP souhaitent qu'un remaniement du gouvernement referme définitivement l'ouverture ; la plupart se plaignent de ce que le président de la République n'ait pas tenu ses promesses sur le pouvoir d'achat, d'autant qu'ils rencontrent, dans leurs circonscriptions, une hostilité croissante à la gestion des affaires par le gouvernement ; le chef de l'État a décidé de reprendre en main sa majorité, mais il ne lui a donné aucun gage. Il refuse de limoger ses ministres d'ouverture, ce dont nous ne lui ferons pas le reproche. Mais il demande aussi aux députés UMP de marcher au pas cadencé : on ne décèle pas, chez M. Sarkozy, la moindre tolérance pour les nuances qui font la variété du groupe UMP. Enfin, M. Copé est en porte-à-faux : depuis un an, il n'a pas réussi à trancher son dilemme : il doit à la fois laisser s'exprimer les députés en colère et donner au président ce qu'il exige. Il a un problème de loyauté, comme chaque fois que l'on doit être loyal à deux interlocuteurs différents.
Un rythme épuisant.
La question de fond, la voilà donc : alors que M. Sarkozy ne songe qu'à la maîtrise du destin national, beaucoup de gens, et pas seulement des députés, qui appartiennent à son camp, ont un peu la nostalgie du chiraquisme, c'est-à-dire de la prudence, quitte à ce qu'elle entraîne un renoncement à un certain nombre de réformes. Les syndicats de travailleurs ne sont pas les seuls à se plaindre du nombre accablant des réformes ; les élus chargés de les voter sont déjà épuisés. Le président n'est pas excellent en matière de communication interne : il lui appartient personnellement de s'assurer de la coopération des élus de la majorité. Il doit les voir plus souvent, les écouter, accepter de faire des concessions et freiner un peu, comme ils le souhaitent, son dynamisme. On reproche à Nicolas Sarkozy de prendre en exemple Silvio Berlusconi, ce qui, déjà, révélerait un mauvais choix. Mais c'est à George Bush qu'il ressemble le plus, lorsqu'il poursuit son idée avec un entêtement sans bornes bien que ses administrés souffrent, geignent et réclament son aide.
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