NICOLAS SARKOZY avait promis qu'il tiendrait compte du message des Français. C'est au conseil des ministres que le chef de l'Etat a réservé son analyse du dernier scrutin dans un discours volontariste appelant chaque membre du gouvernement à «se consacrer à sa tâche sans se laisser détourner en rien des objectifs assignés». Parce que les élections «ont exprimé une attente, une impatience» et que la charge de travailreste «immense», il convient pour Nicolas Sarkozy non pas de relâcher la pression mais au contraire de se retrousser les manches dans tous les domaines pour obtenir davantage de «résultats».
Il n'y aura donc, qu'on se le dise, «pas de changement de cap, ni ralentissement des réformes». Pas non plus de «plan de rigueur», a-t-il affirmé sans précision, alors que le PS annonce depuis des semaines un prochain et sévère tour de vis (au choix, hausse de la CSG, de la CRDS, TVA sociale) dans un contexte de croissance en berne.
Pédagogie de la réforme.
Le maintien de la feuille de route initiale vaut en particulier pour les nombreux chantiers concernant la santé et l'assurance-maladie, qui vont se déployer au deuxième semestre de 2008. A cet égard, la confirmation de Roselyne Bachelot avenue de Ségur (son périmètre a même été élargi à la vie associative) et d'Eric Woerth aux manettes des Comptes publics, est perçue par la profession comme un signal très encourageant, gage de continuité et de cohérence dans la conduite de réformes ardues. Reste à savoir quelles seront les attributions exactes d'Hubert Falco, propulsé secrétaire d'Etat chargé de l'aménagement du territoire (rattaché à Jean-Louis Borloo). Le maire de Toulon aura-t-il un oeil sur la délicate recomposition hospitalière ? Si tel était le cas, il devrait prendre sa part dans la pédagogie de la nouvelle carte hospitalière et contribuer si besoin au déminage auprès d'élus locaux inquiets, là où l'hôpital est le premier employeur. Au ministère de la Santé comme à l'Elysée, on restait discret sur le champ d'intervention d'Hubert Falco, en attendant le décret d'attribution.
Quoi qu'il en soit, les syndicats médicaux approuvent la décision de l'exécutif de ne pas tout chambouler en cours de route dans un secteur sensible. «Roselyne Bachelot va être très exposée dans les mois qui viennent, analyse le Dr Cabrera, président du SML. Le fait de la reconduire avec un champ élargi démontre son poids politique. C'est bien.» Le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, juge même «très positif» cette stabilité. «Nous restons dans la même dynamique intéressante, se réjouit-il. Un changement de ministre aurait pu remettre en cause le discours que nous avons entendu aux EGOS [états généraux de l'organisation de la santé] sur l'accès à la médecine générale sur tout le territoire, l'inscription des missions du généraliste dans le code de la santé publique, ou encore la promotion des maisons de santé pluridisciplinaires. Toutes ces perspectives sont confortées.»
Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF - dont une délégation a été reçue à l'Elysée il y a un mois -, n'est guère surpris par la volonté du chef de l'Etat de tenir le même cap, malgré les turbulences. «Sur la santé, le cadrage se fait au plus haut niveau de l'Etat, c'est même du jamais vu. On sait à quoi s'en tenir: même si c'est difficile, même s'il y a des mécontents, Sarkozy veut faire en priorité la réforme de l'hôpital, gouvernance et carte sanitaire. Il veut aussi s'attaquer enfin au financement. Et il nous a même indiqué son souhait d'aboutir sur le secteur optionnel et la CCAM clinique (réforme des consultations) . Ce sera la réforme, rien que la réforme mais toute la réforme.»
Equilibre des finances en 2012.
Au salon du Medec, Roselyne Bachelot a insisté sur le travail «d'expertise et de réflexion sans précédent» engagé ces derniers mois. Comme pour préparer les esprits au temps des choix politiques.
De fait, les états généraux de l'organisation de la santé (EGOS) centrés sur les soins de premier recours s'achèveront le 9 avril. Ils fourniront au gouvernement un «pack de mesures» sur l'installation, la définition explicite du métier de médecin généraliste et un renforcement des soins primaires. Les propositions de la mission Larcher sur l'hôpital sont également imminentes (voir encadré). La concertation s'ouvre parallèlement sur les futures agences régionales des santé (ARS). Quant au député UMP André Flajolet, il devrait apporter mi-avril un éclairage sur les «inégalités d'accès aux soins». Toutesces contributions doivent dégager les «principes» du projet de loi de «modernisation de l'organisation de la santé» que Roselyne Bachelot défendra au Parlement «à l'automne». Dans nos colonnes (« le Quotidien » du 15 février), la ministre en a dévoilé les grands titres : ARS, soins de premier recours, hôpital et santé publique.
Côté comptes publics enfin (Etat, Sécu, collectivités locales), Nicolas Sarkozy a confirmé en conseil des ministres l'impératif de retour à l'équilibre «à l'horizon 2012». Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite sera «strictement tenu», ce qui fera peser une contrainte forte sur toutes les administrations (le réseau des caisses n'échappe pas à cette règle).
PLFSS 2009 musclé.
Pour l'assurance-maladie, le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (2009), discuté à l'automne, s'annonce comme LE rendez-vous de premier plan. «Ce sera musclé, prédit un expert, loin de certains budgets de transition.» Nicolas Sarkozy a déjà programmé un réexamen du partage entre solidarité nationale, assurance complémentaire et responsabilité individuelle (panier de soins) ; une refonte des ALD ; et une action renforcée sur la régulation des dépenses (prescriptions et arrêts de travail). Ce qui, décidément, ne laissera guère de répit au monde de la santé.
> CYRILLE DUPUIS
La bouillonnante marmite hospitalière
De toutes les réformes « santé » promises par le gouvernement Fillon, celle de l'hôpital devrait être la première à voir ses contours dessinés : la mission Larcher, qui planche sur le sujet, rendra ses propositions au début du mois d'avril – les dates du 4 et du 10 circulent. L'échéance se rapprochant, la température s'élève au coeur de la marmite hospitalière. La guerre des projets fait rage, des feux et des contre-feux sont allumés, des sondes et des ballons d'essai sont très certainement lancées.
Avec la fin des élections municipales, l'agitation monte encore d'un cran. En sourdine pendant le scrutin, la question épineuse (du point de vue de l'aménagement du territoire et de l'accès aux soins) des restructurations resurgit. Témoin de ce phénomène : la presse nationale s'empare du sujet. En particulier, « le Nouvel Observateur » consacre cinq pages de son dernier numéro à ces hôpitaux que le magazine dit «en sursis», annonçant en gros titre que «le gouvernement veut remettre à plat la carte hospitalière» – de fait, Gérard Larcher devrait suggérer la constitution d'établissements de territoire. Déjà inscrit au programme des dernier SROS (schémas régionaux d'organisation sanitaire), le sort des petits blocs opératoires cristallise les inquiétudes, après celui des petites maternités. La question des structures d'accouchement en France n'est d'ailleurs pas totalement close : « l'Express » publie dans son édition parue hier un classement des maternités franciliennes ; et les gynécologues-obstétriciens réunis au sein du CNGOF viennent de rejeter le projet d'implantation de «maisons de naissances» que portait le dernier plan « périnatalité » (2004).
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