DANS CETTE COURSE DE HAIES qui conduit à la présidence, Nicolas Sarkozy a tour à tour triomphé du clan chiraquien qui voulait lui barrer la route, du danger que François Bayrou représentait pour la cohésion de la droite et d'une adversaire socialiste particulièrement pugnace.
Dès le résultat du premier tour, il ne faisait pas de doute que la droite avait toutes les chances de l'emporter. Depuis le début de l'année, M. Sarkozy se situait en tête de la course dans tous les sondages, même quand François Bayrou a triplé son score. La gauche a alors décidé de ne pas faire de quartier et elle a donné de M. Sarkozy une image qui l'a rendu insupportable non seulement aux électeurs socialistes, écologistes ou trotskistes, mais aux minorités auxquelles les plus sérieux des ténors socialistes ont annoncé des lendemains difficiles si « par malheur » le candidat de l'UMP l'emportait.
COMME DANS UNE COURSE CYCLISTE, IL S'AGISSAIT DE PRENDRE LA TETE DU PELOTON ET D'Y RESTERUne campagne quelque peu assassine.
Maintenant, il faut vivre avec les conséquences de ce qui a été dit. Si le résultat d'un scrutin éminemment démocratique s'impose à tous les Français, comme les chefs de la gauche l'ont déclaré dimanche, il n'est pas sûr du tout que les minorités, convaincues à tort que le président élu est leur ennemi, les jeunes, soumis aux cycles enthousiasme-frustration qu'induit le romantisme, et les irréductibles gauchistes ne poursuivront pas sur les brisées d'une campagne quelque peu assassine. Il n'est pas sûr que les socialistes, parce qu'ils ont approuvé tous les mouvements de rébellion qui ont accompagné les deux mandats de Jacques Chirac et parce qu'ils ont pris leur part de responsabilité dans le retard de la modernisation du pays, ne seront pas plus à l'aise dans la critique déstabilisatrice que dans la critique constructive.
Il est peut-être temps que tout le monde admette qu'il y a chez M. Sarkozy infiniment plus d'intelligence que son mauvais caractère le laisse croire. Voilà un homme extraordinairement préparé à l'exercice du pouvoir au plus haut niveau. Pendant que l'on commentait ses sautes d'humeur ou ses démêlés conjugaux, il prouvait chaque jour qu'il avait une parfaite maîtrise de sa campagne et, surtout, que son analyse était la meilleure. Dès janvier, il s'est imposé comme le candidat numéro un ; il n'a jamais été détrôné, ni par l'ascension de Ségolène Royal ni par celle de François Bayrou. Ce phénomène fait penser à la réflexion d'un grand coureur cycliste, qui se moquait un peu des stratégies savantes mises au point par ses concurrents pour gagner le Tour de France. «C'est pourtant bien simple, disait-il . Il suffit de prendre la tête du peloton et d'y rester.» Encore faut-il avoir la force physique, la volonté, la constance et l'endurance pour accomplir ce tour de force.
Ce que veulent les Français.
Qui peut nier que des trois techniques de conquête du pouvoir mises en oeuvre par Sarkozy, Royal et Bayrou, celle du candidat de l'UMP a été en définitive la plus efficace ? Et qui peut nier que, en dépit de la réputation qu'on lui a faite, M. Sarkozy est resté de marbre devant les doutes de la droite, parfois de ses plus proches amis et de ses conseillers, et a continué son bonhomme de chemin comme s'il était sûr du résultat ? Qui peut nier que les provocations auxquelles il s'est livré (racaille, Kärcher, ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, considérations génétiques pas très informées) ne l'ont nullement conduit à sa perte ? Or, à ceux qui le pressaient de faire des gestes d'apaisement ou de surveiller son langage, il répondait qu'il savait ce que les Français voulaient. Mieux que n'importe lequel de tous les autres candidats, il a senti l'appel de la France profonde, alors que la gauche, sans même y réfléchir, continuait, comme il y a vingt ans, à ignorer les victimes au profit des délinquants, à encourager ou à approuver de grandes manifestations ou des grèves injustes, à surfer sur la vague de mécontentement qui est, qui reste, celle d'une minorité.
Comme il y a vingt ans, il existe en France une majorité silencieuse qui ne s'éveille à la politique que dans les grandes occasions, peste toute l'année contre les camarades syndiqués spécialisés dans les grèves paralysantes et se venge le jour du scrutin.
Franchement, cette majorité silencieuse ne méritait-elle pas que la gauche s'y intéresse ? N'est-il pas évident que des ouvriers, des paysans et des pauvres ont voté Le Pen jusqu'à ce qu'ils aient découvert Sarkozy ? Le désarroi de cette partie du peuple est-il moins touchant que le désarroi de ceux qui votent à gauche historiquement et ne se reconnaissent que dans la gauche ?
Un virtuose.
Si le triomphe de M. Sarkozy fait réfléchir, c'est parce qu'il l'a imaginé avec assez de flair, de précision et de perspicacité pour faire de son plan, par nature aussi aléatoire que tous les plans, une machine à vaincre. La vérité est que M. Sarkozy, celui dont on prétend par ailleurs qu'il fait peur, qu'il est « fou », qu'il serait l'ennemi des gens qui souffrent, est un virtuose de la politique, un peu comme un grand joueur de poker qui laisse ses adversaires recourir à tous les subterfuges pour l'induire en erreur mais qui, au terme de la partie, ramasse la mise.
Le président élu, au demeurant, a eu le triomphe gracieux dimanche dernier : il a exprimé son respect pour Ségolène Royal parce qu'il respecte ses électeurs et qu'il ne veut pas plus les décevoir qu'il ne souhaite décevoir les siens. Il faut en accepter l'augure. Il faut aussi que les électeurs de gauche laissent leurs armes au vestiaire, qu'ils oublient les outrances de la campagne et qu'ils observent les faits avant de juger.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature