PRESQUE TOUT LE MONDE savait, au lendemain du débat télévisé qui a opposé les deux candidats mercredi dernier, que M. Sarkozy serait élu.
Le débat, en effet, représentait l'ultime carte de Mme Royal après le premier tour. Si beaucoup d'observateurs ont estimé que la candidate socialiste avait conduit et peut-être dominé le débat, les sondages qui ont suivi ont tous accordé une large supériorité à M. Sarkozy.
Or Mme Royal, distancée de près de six points au premier tour par M. Sarkozy, ne pouvait ignorer que le total de la gauche était minoritaire. Son ouverture en direction de François Bayrou procédait de la logique la plus élémentaire, mais elle se heurtait à quelques obstacles de taille. D'une part, cette ouverture n'a eu aucun effet favorable pour la gauche : les électeurs de M. Bayrou ont voté à moitié en faveur de Mme Royal et à moitié en faveur de M. Sarkozy, ce qui signifie, de toute évidence, qu'ils sont retournés naturellement vers leur camp d'origine, alors que M. Bayrou, sans le dire tout en le disant, leur suggérait de choisir la gauche. D'autre part, l'ouverture vers le centre ne risquait pas d'encourager l'extrême gauche à apporter ses voix à la candidate socialiste.
Le menuet que Mme Royal a dansé avec M. Bayrou n'aura pas été le meilleur moment de la campagne de la candidate socialiste, qui, cependant, a conduit sa bataille avec un cran, un sang-froid, une résistance éblouissants.
Mais, comme l'a dit Dominique Strauss-Kahn, la gauche a perdu dès le premier tour. L'ancien ministre de l'Economie estime qu'elle a fait cette année l'un de ses plus mauvais scores. Il sous-entend sans doute, même s'il s'en défend, que le Parti socialiste n'a pas choisi la bonne candidate.
Sur ce point, il a tort. Car Mme Royal a fait, avec beaucoup de panache, une campagne exceptionnelle et a démontré que l'on peut faire de la politique autrement. Il est vrai, toutefois, qu'elle n'a pas réussi, ni même cherché, à refonder le Parti socialiste, comme l'a reconnu M. Strauss-Kahn.
Une stratégie payante.
Sans aller jusqu'à dire que M. Strauss-Kahn n'aurait pas mieux fait que Ségolène, on peut affirmer ici que Mme Royal a moins perdu que M. Sarkozy n'a gagné. Indifférent au mouvement extraordinaire qui se dessinait à gauche avec la candidature de Mme Royal, qui a franchi beaucoup d'obstacles avant d'être qualifiée pour le premier tour, M. Sarkozy a fait un constat très simple : que la majorité profonde dans ce pays est de droite. En effet, la droite parlementaire, additionnée aux électeurs du Front national, forme une majorité absolue. C'est sur cette idée très simple que M. Sarkozy s'est efforcé de séduire les lepénistes. Il y est parvenu.
Un mandat fort.
La victoire de M. Sarkozy est large. Il a un mandat fort. Il peut gouverner avec les coudées franches. Mais il n'en a pas fini. Il doit maintenant disposer d'une majorité parlementaire. Pour les élections législatives, un premier sondage accorde 34 % des voix à l'UMP, 29 % au PS et 12 % à l'UDF. François Bayrou veut créer un nouveau parti : sera-t-il construit sur le socle de l'UDF ou sera-t-il concurrent ? Le temps nous semble bien court pour que M. Bayrou bâtisse une force qui séduira les électeurs, même s'il place un candidat à la députation dans chaque circonscription. Il n'y aura pas de « troisième tour » En conséquence, Nicolas Sarkozy ne devrait pas éprouver de grandes difficultés à disposer d'une Assemblée qui le soutiendra.
Il lui appartiendra alors de donner une suite concrète au discours qu'il a prononcé dimanche soir : il respecte Mme Royal parce qu'il respecte ses électeurs ; il sera du côté des pauvres et des faibles ; il sera très actif sur le plan écologique et sur le plan européen.
Il est extrêmement important pour M. Sarkozy, s'il veut réussir, qu'il fasse une ouverture à gauche. Il est important qu'il rassemble les Français après avoir édifié une forte majorité de droite. Il est important que, dans les tout premiers jours de son mandat, il rencontre les syndicats et qu'il explore les moyens d'appliquer ses idées sociales sans soulever une telle révolte que son plan sera foulé aux pieds avant la fin de l'année, comme cela s'est passé avec Jacques Chirac en 1995. Il est vital que M. Sarkozy, quelles que soient l'étendue et la concentration de ses pouvoirs, essaie de trouver une série de consensus avec la gauche et avec les syndicats.
Certes, les Français, en l'élisant, ont choisi son projet. Ce serait néanmoins une erreur d'en tirer la conclusion que M. Sarkozy peut faire ce qui lui plaît. Une forte minorité lui est hostile et il doit la rassurer s'il ne veut pas que le clivage idéologique se traduise par des manifestations et des émeutes. L'immense surprise de la campagne aura été la magnifique ascension de Ségolène Royal ; l'autre surprise a été la tentative de François Bayrou de créer un centre puissant. Tous ceux qui ont apporté leurs voix à M. Bayrou pensent sans doute que la coupure de la France en deux blocs est une mauvaise chose. Il appartient au nouveau président de combler le fossé.
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