«JE FERAI DU CANCER, d'Alzheimer et des soins palliatifs un chantier présidentiel», a déclaré Nicolas Sarkozy devant les parlementaires de la majorité réunis à l'Elysée le 20 juin. Le Pr Dominique Maraninchi, responsable de l'Institut national du cancer (Inca), se réjouit de la «parole présidentielle». «Je ne serai pas celui qui expliquera qu'on va faire des économies dans la recherche», alors que les tumeurs malignes «brisent atrocement des centaines de milliers de familles», affirme le président de la République. «Le cancer demeure un défi, et la communauté scientifique et médicale entend le relever», dit au « Quotidien » le Pr Maraninchi, en pensant «au million de personnes qui vont rencontrer le cancer dans les trois ans».
Diagnostics précoces, thérapeutiques ciblées.
En 2003-2006, Jacques Chirac avait ouvert un même chantier, dessinant la voie d'une cancérologie pour tous. «Chaque fois que nous procédons à un dépistage précoce, sur un million d'hommes et de femmes, nous en sauvons trois mille.»«Parallèlement, poursuit Dominique Maraninchi, il faut que le système de soins offre une garantie de sécurité et de qualité. Il en va d'un changement radical dans notre pays, où l'espérance de guérison est de 60% chez les femmes et de 47% pour les hommes (2003) . Nous sommes pour l'instant les meilleurs en Europe, et nous disposons de tous les moyens de progresser en formant des personnels et en développant la thérapie en réseau.» Quant à la recherche, tant clinique et fondamentale que translationnelle – de la médecine vers la science, et réciproquement –, «nous sommes bien placés, là encore. Un malade sur dix participe à une recherche clinique. Et, grâce à la culture de transfert, les découvertes doivent s'adresser directement aux patients afin d'ouvrir le champ de la médecine personnalisée. Nos capacités technologiques, par ailleurs, avec les tumorothèques et les ressources de génotypage, sont extrêmement compétitives au niveau mondial. Sans oublier les médicaments innovants, domaine dans lequel nous avons dépassé les Américains. Dans les dix ans, les accès à des thérapeutiques très ciblées apparaîtront en cohérence avec les diagnostics précoces». «Il semble important d'amplifier la coordination de la recherche, à travers les sept cancéropôles et l'unification des universités, si l'on veut constituer des équipes de poids», insiste le Pr Simon Schraub, de Strasbourg. «En matière de soins, ne boudons pas les grands centres: mieux vaut parcourir 80kilomètres pour s'en remettre à un chirurgien qui opère quarante patients par an qu'à un de ses confrères qui réalise trois ou quatre opérations.» Le cancérologue strasbourgeois, administrateur de la Ligue nationale contre le cancer (Lncc), préconise aussi une coopération sur le terrain psychosocial entre les différents acteurs, notamment l'Inca et la Ligue, en vue d'aider les malades et leur famille.
Dépistage des maladies dégénératives.
En ce qui concer-ne la maladie d'Alzheimer, le chantier Sarkozy prolonge, en quelque sorte, les plans Kouchner et Douste-Blazy, qui mettaient en oeuvre le diagnostic précoce. «Je ne serai pas celui qui regardera bras ballants progresser la maladie, alors qu'à l'horizon de vingt-cinq ans, dans chaque famille, il y aura une personne, pas si âgée que ça, qui sera sortie d'elle-même, assure Nicolas Sarkozy. Et je ne dirai pas aux Français, nous n'avons pas d'argent pour répondre à cette terrifiante maladie. » En 2007, 50 % seulement des patients bénéficient d'un diagnostic, et, parmi eux, moins d'un tiers accèdent à un traitement. Les consultations mémoire en milieu hospitalier – filiales des centres mémoire de ressources et de recherche (Cmrr) implantés dans les CHU – sont à étoffer, par la présence de neurologues, de psychologues et de travailleurs sociaux, recommande le Pr Marc Berthel, patron du pôle de gériatrie au CHU de Strasbourg. Concomitamment, les formules d'accueil de jour, qui offrent des «temps de répit» pour la famille, sont à renforcer. En médecine rurale ou semi-rurale, le praticien se sent isolé, démuni. Le Dr François Fournial, généraliste à Mer, dans le Loir-et-Cher, médecin coordonnateur d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées, en témoigne, bien qu'il prépare depuis quatre ans une capacité de gériatrie. A l'entendre, il est quasi vain de procéder à un test classique comme le MMS (Mini Mental State Examination), car il n'existe pas de centre mémoire de proximité dans lequel envoyer un patient qui présente les premiers symptômes. «Pourquoi ne pas installer une antenne décentralisée du Cmrr à l'hôpital local, avec un orthophoniste et un psychologue qui y assureraient des vacations? Pourquoi ne pas instaurer un dépistage systématique en direction de populations ciblées susceptibles de présenter des prédispositions?», suggère le médecin du Blésois.
Dans le domaine de la recherche fondamentale, les causes de la maladie restent à creuser, et puis il y a les traitements et l'espoir d'un vaccin, note le Pr Marc Berthel.
Soins palliatifs : faire jouer le droit.
Pour les soins palliatifs, le chef de l'Etat, sensible au «droit de mourir dans la dignité», souhaite, comme pour le cancer et la maladie d'Alzheimer, accélérer le processus déjà engagé. Cela permettrait de rattraper la Grande-Bretagne, qui a deux fois plus de lits de soins palliatifs que la France. En 2005, le pays comptait 78 unités fixes de soins palliatifs, chichement dotées en kinésithérapeutes, médecins, assistantes sociales et psychologues, représentant 750 lits, fréquentées par 10 000 femmes et hommes chaque année, à raison de 5 patients par lit. Trois régions en sont dépourvues : la Lorraine, le Centre et le Languedoc-Roussillon*. S'y ajoutent un millier de lits en court séjour, identifiés comme réservés aux soins palliatifs. Mais ce sont 15 % des 150 000 patients en fin de vie qui devraient pouvoir chaque année disposer de soins palliatifs. Responsable de l'unité des soins palliatifs de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, le Dr Bernard Devalois, président de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), ne peut admettre dans son service que 170 des 500 patients qui le sollicitent annuellement. Dans le Languedoc-Roussillon, 6 000 personnes pourraient relever de soins palliatifs, estime le Dr Josyane Chevallier, de Montpellier, administrateur de la Sfap. Et, en 2007, quand une infirmière libérale se rend au chevet d'un patient en fin de vie angoissé – ce qui évite parfois une hospitalisation –, elle n'est pas rémunérée, car sa démarche ne fait pas partie de la nomenclature.
Les soins palliatifs, associés à un «accompagnement», «visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage», indique la loi Kouchner du 9 juin 1999.
* Des projets sont à l'étude et une unité de six lits doit ouvrir à Montpellier en octobre-novembre.
Le Pr Pujol quitte la Ligue
Le Pr Henri Pujol (Montpellier) a quitté la présidence de la Ligue nationale contre le cancer, lors de son assemblée générale ordinaire, qui s'est tenue à Nice le 22 juin. Il occupait le poste depuis 1998. Henri Pujol fut notamment le maître d'oeuvre des états généraux des malades atteints de cancer en 1998, 2000 et 2004, et un promoteur actif de la recherche et de la prévention.
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