Le club très fermé des dentistes, opticiens et audioprothésistes, membres des réseaux de soins mutualistes, va-t-il bientôt s’ouvrir aux chirurgiens orthopédistes ?
C’est ce qu’espère Santéclair. La société filiale de plusieurs complémentaires santé (MAAF-MMA, Allianz, IPECA et Mutuelle générale de la police) a lancé la semaine dernière un appel d’offres pour recruter 60 établissements de santé publics, privés et ESPIC dans un nouveau « réseau de soins d’excellence » sur quatre interventions en orthopédie : la prothèse de hanche, la prothèse de genou, la chirurgie des ligaments et la méniscectomie.
Les établissements peuvent se porter candidats jusqu’au 2 novembre pour un lancement du réseau prévu le 4 janvier 2016. Soit tout juste deux ans après la promulgation de la loi Le Roux, qui autorise les mutuelles à pratiquer, comme les assureurs et les institutions de prévoyance, des remboursements différenciés en faveur de leurs adhérents ayant recours à un réseau de soins.
Ce texte avait soulevé à l’époque une fronde du milieu médical et des internes, inquiets de perdre leur indépendance professionnelle. Les médecins avaient finalement été exclus des réseaux de soins. L’initiative de Santéclair devrait mettre à nouveau le feu aux poudres.
Zéro reste à charge
Pour rester dans les clous de la loi, Santéclair ne contractualisera pas directement avec les chirurgiens mais avec leurs employeurs. Hôpitaux et cliniques seront retenus selon plusieurs critères de performance : durée moyenne de séjour, retour à domicile, volume d’activité, taux de reprise, certification, etc. « Notre objectif est de promouvoir les établissements et les équipes ayant investi dans des démarches novatrices qui permettent de limiter les durées d’hospitalisation et de favoriser la reprise rapide d’une vie normale après l’intervention », argumente Santéclair. Cette offensive tombe à pic, au moment où le gouvernement veut accélérer le développement de la chirurgie ambulatoire. Le concept est simple : pour chaque patient opéré dans le réseau, l’établissement recevra un forfait « all inclusive » comprenant les soins, la chambre particulière, la télévision, wifi, forfait journalier, honoraires...
Cette enveloppe (dont on ignore le montant) sera modulable selon l’intervention chirurgicale, le type d’établissement et le territoire d’appel d’offres. Dans tous les cas, le « zéro reste à charge » est garanti pour tous les patients qui privilégieraient un établissement du réseau, et quel que soit le niveau des garanties complémentaires auxquelles ils ont souscrit.
Pression tarifaire
Alors que la réforme des contrats responsables (95 % des contrats) plafonne depuis le 1er avril la prise en charge des dépassements excessifs par les complémentaires santé, l’initiative de Santéclair soulève plusieurs questions. La société a en effet tout intérêt à privilégier des professionnels peu gourmands en honoraires. Les chirurgiens libéraux des cliniques, qui exercent majoritairement en en secteur II, devront-ils être signataire du contrat d’accès aux soins (CAS), autre dispositif de modération tarifaire, pour travailler dans le réseau ?
La directrice générale de Santéclair Marianne Binst rejette toute hypothèse de pression tarifaire à l’encontre des chirurgiens : « La négociation engagée avec les établissements ne vise ni à réduire les honoraires du professionnel, ni la prise en charge de la chambre particulière, assure-t-elle. Et le remboursement d’un dépassement d’honoraire peut être moins coûteux qu’une mauvaise hospitalisation. »
De futurs projets sur la cataracte
Reste à convaincre les médecins. Avant de lancer son appel d’offres, Santéclair a expérimenté son modèle dans trois cliniques des groupes Capio et Vedici. Les chirurgiens auraient apprécié le concept, nous assure Marianne Binst.
Le Dr Philippe Cuq, président du BLOC, est beaucoup moins enthousiaste. « Si c’est le directeur d’hôpital membre du réseau qui endort le patient et place la prothèse à la place du chirurgien, alors je suis d’accord ! », grince le chirurgien vasculaire.
Santéclair ne compte pas en rester là. La société va élaborer un réseau de soins sur la cataracte avant d’accélérer le rythme à un appel d’offres par an et par pathologie.
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