IL NE S’AGIT CERTES PAS d’un livre-programme. Mais à un an de l’élection présidentielle, et à quelques semaines du projet du Parti socialiste (1er juillet), le long dialogue (295 pages) entre le Premier secrétaire du PS François Hollande et l’ancien directeur de la rédaction du « Monde » Edwy Plenel, publié sous le titre « Devoirs de vérité »,prend un relief particulier. D’autant que l’ambitieux maire de Tulle n’a pas exclu d’être lui-même candidat, le moment venu. Dans les grandes séquences de ce livre aux intitulés parfois lyriques (« L’inquiétude et l’espérance », « La vérité et la vie », « La démocratie et le pouvoir », « La gauche et le peuple », « la France et l’avenir »), le lecteur trouvera peu de lignes sur les questions de santé et d’assurance-maladie contrairement, par exemple, aux larges développements consacrés à l’école ou à l’emploi. Mais François Hollande aborde ces dossiers par la bande lorsque Edwy Plenel lui demande ce que la gauche de retour au pouvoir abrogerait parmi les lois votées sous la présidence de Chirac. Sa réponse ne manque pas de sel : si le patron du PS promet une «loi-balai à tous les sens du terme» qui supprimerait dès les premiers jours de la législature de nombreux textes votés par la droite (CNE, apprentissage à quatorze ans, élargissement des heures supplémentaires, plaider coupable…), le leader de l’opposition se montre plus prudent sur le sort qu’il réserve à la réforme Douste-Blazy. «Il est de grandes questions qui ne peuvent être réglées par des jeux d’écriture ou par un coup de gomme», analyse-t-il à propos de l’assurance-maladie, mais aussi des retraites. Sur ces deux chantiers, «il s’agira de revenir sur les choix injustes et imprévoyants qui ont été faits». Un peu plus loin, il précise : «Nous aurons à revenir sur les dispositions qui ont abouti à dérembourser bon nombre de prestations, mais en même temps nous aurons à maîtriser la dépense médicale, et notamment à traiter la question des honoraires des médecins qui – essentiellement les spécialistes – ont été les grands bénéficiaires des décisions ou des non-décisions prises depuis 2002.»
Un tel discours invite à de multiples interrogations. François Hollande, et derrière lui le PS, a-t-il l’intention de réguler la dépense médicale en mobilisant le levier des tarifs de médecine libérale ? Reste-t-il attaché à la maîtrise médicalisée ou penche-t-il vers la mise en place d’un (énième) dispositif de bouclage comptable, dix ans après l’échec des reversements d’honoraires du plan Juppé et de ses avatars (clause de sauvegarde, lettres clés flottantes « Aubry ») ? Plus clairement, juge-t-il que les revalorisations d’honoraires ont été excessives depuis 2002, en particulier pour les médecins spécialistes ? Enfin, «traiter» la question des honoraires signifie-t-il pour lui remettre en cause la prédominance du paiement à l’acte ? François Hollande ne dit pas cela, mais nul ne peut dire qu’il ne le pense pas. Le député de Corrèze ne se prive pas, en tout cas, d’insister sur le «gouffre laissé par nos futurs prédécesseurs». En 2005, l’assurance-maladie a accusé un passif définitif de 8 milliards d’euros – contre 11,6 milliards en 2004 – et le gouvernement espère contenir le déficit de la branche à 6,1 milliards cette année.
Le 49/3 interdit… mais pas pour les lois Sécu.
La Sécu resurgit dans un autre sous-chapitre intitulé « Démocratiser la République ». François Hollande propose d’ «en terminer avec la facilité» du recours à l’article 49/3, qui permet d’adopter une loi sans discussion parlementaire. Plus précisément, il suggère de réduire cet usage régalien aux seules lois de Finance et… aux lois de financement de la Sécurité sociale. Pourquoi cette dérogation ? «Je ne veux tout de même pas que le pays devienne ingouvernable, explique-t-il. Il faut donc que, en cas d’impossibilité de trouver un accord, il y ait une procédure, mais qu’elle soit limitée à l’essentiel: le budget de l’Etat et celui de la Sécurité sociale.» Certains y verront un bel hommage à notre Sécu érigée en priorité nationale, d’autres, une précaution du pouvoir pour imposer, le cas échéant, des mesures indispensables mais impopulaires.
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