Le gouvernement n'a pas à rougir de son bilan législatif dans le domaine sanitaire et social. Parmi les 393 lois adoptées au cours de la législature, nombre de textes touchant à ce domaine marqueront durablement de leur empreinte la société française.
C'est le cas notamment, dans le domaine social, de deux lois emblématiques destinées à améliorer la protection des personnes les plus fragilisées : la couverture maladie universelle (CMU) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées. La première, effective depuis le 1er janvier 2000, a permis d'assurer à tous les résidents une couverture maladie et de doter les plus démunis d'une assurance-maladie complémentaire (soit environ 5 millions de personnes). Jugée complexe, sa mise en uvre s'est déroulée dans de bonnes conditions et aura atteint en grande partie ses objectifs puisque aujourd'hui seulement 8 % de la population française ne bénéficie toujours pas d'une couverture maladie complémentaire.
Associée à la loi de prévention et de lutte contre les exclusions, qui comporte un volet santé - les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins -, la CMU permet donc d'améliorer la prise en charge sanitaire des plus défavorisés.
De la même façon, l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, mise en place depuis le 1er janvier de cette année, a mis un terme à plus de dix ans de réflexion et d'expérimentation sur la prise en charge sociale de la dépendance.
En matière sociétale, la loi sur la contraception d'urgence, qui permet la délivrance aux mineures, sans prescription médicale, de la pilule du lendemain, l'allongement à douze semaines du délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse ou encore la loi sur le droit des malades permettant aux patients l'accès direct à son dossier médical, auront su, chacune dans son domaine, accompagner l'évolution de la société et des mentalités sur ces questions. Quitte à bousculer parfois le corps médical qui n'a pas caché ses réticences ou ses cas de conscience, notamment en ce qui concerne l'interruption volontaire de grossesse.
La mise en place d'un dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique et la correction de la jurisprudence Perruche (« le Quotidien » du 11 février) est à mettre à l'actif du gouvernement qui a voulu limiter la responsabilité médicale, dont la dérive préoccupe fortement les soignants.
Le gouvernement a également entrepris une réforme du financement de la protection sociale avec la prolongation de cinq ans du remboursement de la dette sociale (RDS), instauré en 1996, et le basculement de la quasi-totalité des cotisations maladie des salariés sur la CSG. Mais le dispositif devait être complété par une réforme de l'assiette des cotisations patronales qui n'a jamais vu le jour.
Système de soins : une réforme éclatée
En revanche, et malgré les multiples dispositifs imaginés, les lois de financement de la Sécurité sociale n'ont pas réussi à maîtriser les dépenses d'assurance-maladie dont la branche reste lourdement déficitaire. Aux reversements d'honoraires imposés aux médecins libéraux en cas de dépassement de leurs objectifs et annulés par le Conseil constitutionnel, a succédé, en 2000, un mécanisme de tarifs flottants qui a bloqué tout dialogue conventionnel entre professions de santé et caisses d'assurance-maladie, et s'est révélé inefficace. De même, la clause de sauvegarde de l'industrie pharmaceutique n'a pas permis d'enrayer la forte envolée des dépenses de médicaments.
C'est d'ailleurs ce constat qui a conduit le gouvernement Jospin à envisager, dans l'urgence, une réforme plus globale du système de santé et des relations conventionnelles. Elle prévoit notamment une réorganisation importante des études médicales - l'internat pour tous - la mise en place d'un Haut Conseil de la santé, un débat annuel sur les orientations de santé publique, une régionalisation accrue du système de santé, une nouvelle architecture conventionnelle, la réforme de la formation continue des médecins et un fort encouragement à la mise en place de réseaux de soins. Mais cette réforme, éclatée entre plusieurs textes (projet de loi de modernisation sociale, projet de loi de financement de la Sécurité sociale, droits des malades et qualité du système des santé) et adoptée en toute fin de session manque de lisibilité et de cohérence.
Le projet de loi sur la bioéthique en panne
Le projet de loi sur la bioéthique fait partie des textes législatifs victimes de l'encombrement du calendrier parlementaire en cette fin de session.
En effet, le gouvernement n'a pas jugé ce texte prioritaire bien que la révision des lois bioéthiques, qui datent de 1994, prennent un retard important. Un destin similaire avait déjà affecté ces premières lois dont l'adoption avait été retardée par les élections législatives de 1993.
Révisables tous les cinq ans, ces lois qui encadrent notamment la recherche thérapeutique et la procréation médicalement assistée auraient déjà dû être actualisées depuis 1999. La vivacité du débat sur le clonage thérapeutique en renforçait l'urgence. Mais la complexité du problème qui a fait l'objet de plusieurs avis et de plusieurs rapports, en a retardé l'élaboration, compliquée par une divergence de vues entre le président de la République et son Premier ministre Lionel Jospin, le premier y étant opposé et le second favorable.
Finalement, le texte, présenté et adopté en première lecture à l'Assemblé nationale à une très large majorité, interdit le clonage reproductif et thérapeutique mais autorise la recherche sur les embryons surnuméraires.
Les députés ont également adopté, contre l'avis du gouvernement, l'interdiction de breveter le vivant. Le projet de loi prévoit par ailleurs d'élargir la possibilité de recourir à la procréation médicalement assistée et de faciliter les dons d'organes.
Les députés ont assuré que le débat se poursuivrait après les élections, quel qu'en soit le résultat, mais le volet sur la recherche sur les embryons pourrait être modifié en cas de victoire de la droite, en grande partie opposée à ce qu'elle considère comme « chosification ».
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