L'emploi, le revenu, le logement, les liens sociaux, la couverture maladie et, pour les étrangers, la régularité du séjour en France ; à partir de ces six données qu'il retient comme autant de « facteurs de précarité », le CREDES (Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé), a commencé par dessiner une typologie de la précarité appliquée aux quelque 590 personnes qui sont venues consulter en 1999 et 2000 dans un des 80 centres de soins gratuits.
Au risque d'enfoncer des portes ouvertes, l'enquête établit que les problèmes d'emploi et de revenu sont bien les deux premiers facteurs de précarité : neuf patients sur dix sont sans travail ; la précarité des conditions de logement leur est souvent associée : 14 % des Français et 9 % des étrangers vivent à la rue ou dans un squat (ces derniers bénéficiant plus souvent d'un réseau social plus solidaire), 86 % des étrangers et 69 % des Français n'ont pas de logement stable et indépendant.
Pour évaluer le degré de précarité, les auteurs de l'étude ont construit un indicateur dit de cumul des précarités, en additionnant l'un ou plusieurs des six facteurs répertoriés. Conclusion, c'est le manque d'emploi qui est retrouvé à tous les niveaux, c'est lui qui est fréquemment le point de départ d'un processus de dégradation des conditions globales de vie, avec sa suite de problèmes (logement, isolement social, etc.).
Une fois élaborée cette typologie, les enquêteurs se sont efforcés de rechercher les liens pouvant être établis entre les caractéristiques de précarité des patients et la nature des pathologies diagnostiquées à l'issue de chaque consultation. Des liens, observent-ils tout d'abord, qui varient sensiblement selon que l'on a affaire à des Français ou à des étrangers : les premiers font davantage l'objet de diagnostics de troubles psychiques, de troubles respiratoires, de diagnostics d'alcoolisme ou de toxicomanie. Les étrangers consultent quant à eux davantage pour des troubles digestifs ou des problèmes locomoteurs.
Les auteurs avancent plusieurs explications à ces écarts : un effet de sélection lié à l'immigration, le fait que les étrangers souffrant de troubles psychiques sont moins enclins à quitter leur pays, ou encore le fait que le désir d'intégration des immigrés se traduirait par une moindre vulnérabilité psychique.
L'autre constatation tirée de l'enquête est que deux diagnostics sont dépendants du niveau cumulé de précarité : les maladies de la peau et celles de l'appareil digestif, toutes deux étant d'autant plus fréquentes que le niveau cumulé de précarité est élevé.
Quant aux comportements à risque, ils ont été approchés au moyen de deux indicateurs : la consommation de tabac et le nombre d'accidents graves survenus dans le passé des consultants. A ces deux égards, à âge et sexe comparables, ce sont les consultants français qui paraissent significativement les plus exposés, cependant que la prise de risque paraît indépendante du niveau cumulé de précarité.
Mais toutes ces données s'appliquent, soulignent les auteurs, aux consultants des centres de soins gratuits et ne permettent pas d'extrapoler à l'ensemble de la population en situation de précarité. D'autant que l'enquête a été réalisée avant l'instauration de la couverture maladie universelle et qu'on est impatient de connaître les modifications que n'aura pas manqué d'engendrer la CMU parmi ses bénéficiaires.
* « Précarité, risque et santé, enquête menée auprès de consultants de centres de soins gratuits », par Marc Collet et coll.
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