Une fillette née aujourd'hui au Japon peut s'attendre à vivre jusqu'à 85 ans ; une autre née en Sierra Leone a une espérance de vie qui ne dépasse pas 36 ans. La petite Japonaise sera vaccinée, convenablement nourrie et scolarisée ; plus tard, elle pourra accoucher en sécurité et si, en vieillissant, elle souffre de maladies chroniques, elle bénéficiera des thérapeutiques adaptées et pourra s'offrir pour 550 dollars par an de médicaments, davantage si nécessaire.
Sa jumelle sierra-leonaise, elle, a peu de chances d'être vaccinée et risque de souffrir d'un déficit pondéral pendant toute son enfance ; elle se mariera à l'adolescence et aura six enfants, voire plus, sans l'aide d'une accoucheuse qualifiée ; elle peut mourir en couches et un ou plusieurs de ses enfants décéderont peu après leur naissance ; si elle tombe malade, elle sera peu ou pas soignée, les dépenses pour ses médicaments s'élevant à... 3 dollars par an.
Par cet exemple parlant, le rapport de l'OMS sur la santé dans le monde 2003, intitulé « Façonner l'avenir », résume les inégalités plus que jamais observées entre les pays, et qui ne concernent pas seulement les antirétroviraux, même si pour le traitement de l'injection à VIH, la situation est « catastrophique ».
Les chiffres témoignent du fossé entre pays développés (PD) et pays en développement (PED) : l'espérance de vie (plus de 60 % des habitants des PD vivent jusqu'à 70 ans et plus, contre 30 % environ dans les PED) et le pourcentage de population âgée de 60 ans et plus (24,4 % au Japon, 4,7 % en Sierra Leone), la mortalité des enfants (sur les 57 millions de décès enregistrés en 2002, 10,5 millions concernaient des enfants de moins de 5 ans et plus de 98 % se situaient dans les PED), la mortalité par sida (près de 80 % des quelque 3 millions de décès de 2002 ont été enregistrés en Afrique subsaharienne)...
Et la situation s'aggrave. Dans 14 pays africains, les taux de mortalité infantile sont plus élevés aujourd'hui qu'en 1990. Dans certaines régions de l'Afrique subsaharienne, les taux de mortalité des adultes dépassent ceux d'il y a trente ans. Au Botswana, au Lesotho, au Swaziland et au Zimbabwe, l'infection par le VIH a réduit de plus de vingt ans l'espérance de vie.
Fragilité et instabilité
L'Afrique n'est pas seule touchée. « La fragilité de la santé des adultes face à l'instabilité sociale, économique et politique est manifeste partout. » Dans certains pays d'Europe de l'Est, par exemple, la mortalité masculine a considérablement augmenté.
Et les pays en développement sont désormais confrontés non seulement aux pathologies infectieuses mais aussi aux maladies non transmissibles, qui font partout plus de morts, sauf en Afrique. C'est ce que l'OMS appelle la double charge. Les maladies cardio-vasculaires, les conséquences du tabagisme (5 millions de décès en 2003, le double en 2023 si rien n'est fait), les accidents de la route (1,2 million de morts) pèsent de plus en plus lourdement (d'ici à 2020, le nombre de morts sur les routes augmentera de 92 % en Chine et de 147 % en Inde).
Polio et SRAS
Il ne faut pas pour autant tomber dans le pessimisme morbide. Le rapport donne l'exemple d'une « très grave maladie dont l'origine remonte à la plus haute antiquité » qui va être vaincue : l'éradication de la poliomyélite est toute proche. Et l'épidémie de SRAS - plus de 8 000 cas et 900 décès dans 30 pays - a montré comment une bonne collaboration entre services de santé « permet de remporter des victoires spectaculaires ».
La lutte contre la polio et le SRAS « montre la voie à suivre pour traiter d'urgence le problème du VIH/sida, dit le rapport, tandis que la montée en puissance de la lutte contre le VIH/sida contribuera à son tour largement à renforcer les systèmes de santé. » L'OMS donne désormais la priorité à l'action dans les pays, en permettant la mise en place de systèmes de santé , pour réduire les inégalités sanitaires « même si les efforts pour réduire la pauvreté et l'injustice socio-économique n'ont pas encore abouti ». Ainsi peut-on espérer, dans un avenir pas trop lointain, donner à la fillette née en Sierra Leone les mêmes chances de vivre en bonne santé qu'à la fillette née au Japon.
Causes de mortalité dans le monde (2002) | |||||
Adultes de 15 à 59 ans | Adultes de 60 ans et plus | ||||
Rang | Cause | Décès (en milliers) |
Rang | Cause | Décès (en milliers) |
1 | VIH/sida | 2 279 | 1 | Cardiopathies ischémiques | 5 825 |
2 | Cardiopathies ischémiques | 1 332 | 2 | Accidents vasculaires cérébraux | 4 689 |
3 | Tuberculose | 1 036 | 3 | Pneumopathie chronique obstructive | 2 399 |
4 | Traumatismes dus à des accidents de la circulation | 814 | 4 | Infections respiratoires basses | 1 396 |
5 | Accidents vasculaires cérébraux | 783 | 5 | Cancer de la trachée, des bronches ou du poumon | 928 |
6 | Lésions auto-infligées | 672 | 6 | Diabète sucré | 754 |
7 | Actes de violence | 476 | 7 | Cardiopathie hypertensive | 735 |
8 | Cirrhose du foie | 382 | 8 | Cancer de lestomac | 605 |
9 | Infections respiratoires basses | 352 | 9 | Tuberculose | 495 |
10 | Pneumopathie chronique obstructive | 343 | 10 | Cancers du côlon ou du rectum | 477 |
Source : OMS. |
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