La réforme des services de santé au travail est mal partie aux yeux des centrales syndicales et du premier syndicat de médecins du travail (SNPMT).
Convoquée le 13 novembre par les fédérations santé de toutes les confédérations (CGT, FO, CFTC, CFDT et CFE-CGC) et par le SNPMT, l'assemblée générale des services de santé au travail a voté une motion dénonçant les « licenciements ou plans de licenciements économiques "préventifs" » préparés par les services de santé au travail « avant même que cette réforme ne soit écrite ».
Les syndicats craignent en effet que le ministre des Affaires sociales, François Fillon, n'accorde aux employeurs une augmentation de l'effectif surveillé (1) par chaque médecin du travail, au motif que la périodicité de leurs visites médicales va passer de 12 à 24 mois et qu'il y a, de toute façon, une pénurie de spécialistes (« le Quotidien » du 3 septembre). Pour le patronat, « le taux de surveillances médicales renforcées doit être fixé par quota (20 %) sans tenir compte de la réalité », déplore Michel Klerlein, de la CFE-CGC. C'est pourquoi la motion des syndicats s'oppose à « la vision purement comptable (des employeurs) déconnectée des risques professionnels ». Elle « appelle le ministre à prendre ses responsabilités » et réclame « un renforcement des effectifs en professionnels et des moyens, notamment en temps », dès lors que « la santé au travail n'est pas une marchandise ».
Par ailleurs, plusieurs organisations s'inquiètent au sujet des modalités d'application de la pluridisciplinarité des services de santé au travail, imposée par une directive européenne de 1989 et transposée seulement maintenant en droit français. Cet été, le SNPMT et la CFE-CGC ont déjà déposé un recours en annulation au Conseil d'Etat contre le décret du 26 juin 2003 sur la pluridisciplinarité parce qu'il présente des « garanties insuffisantes » sur l'indépendance des divers intervenants en prévention des risques professionnels (experts ou organismes).
Aujourd'hui, c'est un projet d'arrêté sur le même thème qui pose problème. « Il illustre de la façon la plus épouvantable les dérives du décret », déclare le Dr Lionel Doré, secrétaire général du SNPMT, puisque l'indépendance des intervenants repose sur « une simple déclaration d'intérêt sur l'honneur ». « La formation requise n'est pas non plus au niveau prévu par les textes européens », renchérit Pierre-Yves Montéléon, de la CFTC. Enfin, en constituant des GIE (groupements d'intérêts économiques) destinés à la sous-traitance des expertises pluridisciplinaires, les employeurs font appel à des entités juridiques « échappant à tout contrôle social, qui garantit l'indépendance », précise le Dr Doré.
A travers la réforme, conclut le secrétaire général du SNPMT, se dessine « une pluridisciplinarité substitutive », aboutissant à « une démédicalisation de la santé au travail ». Cela va à l'encontre de la directive européenne de 1989, selon Pierre-Yves Montéléon, car elle prévoyait que « les pôles technique et médical se renforcent l'un l'autre ».
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