« Così fan Tutte », au Festival de Glyndebourne

Sans le vertige

Publié le 11/07/2006
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CONNU à Paris pour un « Jules César », de Haendel – d’une belle fantaisie et d’une grande acuité dans la direction d’acteurs, frisant parfois le comique de bande dessinée, monté au Palais-Garnier en 1987 et que l’on pouvait encore voir en 2003 –, le metteur en scène Nicolas Hytner s’était tenu éloigné des scènes britanniques depuis une dizaine d’années. Ce retour était donc très attendu pour le seul tribut payé cet été par le Festival de Glyndebourne à Mozart, Dieu vénéré par cette institution quasi annuellement depuis sa fondation en 1934.

Hytner a monté « Così » de façon traditionnelle, se gardant des tentations de le pervertir comme il est aujourd’hui à la mode, en le situant dans un autre monde que le sien. Légèrement déplacée au début du XIXe siècle, cette action, dont les ressorts amoureux appartiennent au XVIIIe de Laclos et de Marivaux, est encore d’autant plausible qu’elle était servie par une distribution de jeunes chanteurs tous parfaitement crédibles physiquement.

Mais peut-on croire à un « Così » dont ni Alfonso, ni Despina ne tirent les ficelles du jeu ? Sans vouloir prendre l’action trop au sérieux, piège qui a été la tentation et la raison de l’échec de Patrice Chéreau au Festival d’Aix, l’été dernier, il y a une façon de montrer d’une façon plus aiguë par la direction d’acteurs, principalement dans le traitement des récitatifs, les rouages de cette histoire douce-amère, de cette « Ecole des amants », que n’a pas su trouver Hytner. On ajoute que la production, qui semble avoir été faite à l’économie, peu de fantaisie dans les costumes, décor minimaliste, ne réjouit pas non plus les yeux.

Très inégale, la distribution était dominée par la Fiordiligi de Miah Persson, belle personnalité, voix riche et très à l’aise, un peu décevante dans le « Come scoglio » dans laquelle le metteur en scène la fait, à tort, minauder mais passionnante dans son « Per pietà » chanté avec une autorité impeccable.

De même stature vocale était le Guglielmo de Luca Pisaroni, le seul à avoir une diction italienne décente, mais manquant de finesse avec un chant parfois un peu brut. Absence totale d’étoffe vocale, comme de présence physique pour le Don Alfonso du Français Nicolas Rivenq, et peu de personnalité chez la Despina de Ainhoa Garmendia. Le jeune ténor finlandais Topi Lehtipuu, grand favori du public parisien au Châtelet, où il a donné un relief merveilleux à des seconds rôles, a tort d’aborder Ferrando, rôle lourd qui l’oblige à des périlleuses négociations vocales dangereuses pour l’avenir.

A la tête de l’Orchestre de l’Âge des Lumières, Iván Fischer avait souvent le travers de ne pas laisser respirer les chanteurs et de brusquer le cours de l’action. Un « Così » un peu neutre et guère mémorable, comme on en voyait sur la même scène il y a vingt ans, mais pas au niveau d’intérêt auquel ce festival nous a habitué depuis.

Glyndebourne Opera Festival : 00.44.1273.812321 et www.glyndebourne.com. Le festival 2007 affichera une nouvelle production de « Macbeth », de Verdi, dirigée par Vladimir Jurowski, une version scénique de « la Passion selon saint Mathieu », de Jean Sébastien Bach, et la nouvelle production de Glyndebourne on Tour de « The Turn of the Screw », de Britten (début en octobre 2006), ainsi que des reprises de « Così » et de « Tristan et Isolde ».

> OLIVIER BRUNEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7994