Salt Lake City : des millions pour des Jeux blancs comme neige

Publié le 05/02/2002
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Les jeux Olympiques d'hiver, qui se dérouleront du 8 au 24 février prochains, à Salt Lake City, dans l'Utah, à l'ouest des Etats-Unis, ont trois particularités : ce sont les premiers du troisième millénaire, les plus coûteux des sommets d'hiver, les plus « propres », enfin, à en croire leurs organisateurs.

Les premiers du XXIe siècle ? Le fait est incontestable, mais l'argument insuffisant pour justifier les milliards consacrés à leur organisation. Pas moins de 2,13 milliards d'euros ont été mobilisés pour 17 jours de compétition : les Jeux de l'Utah ont déjà gagné une place dans l'histoire. Depuis les attentats du 11 septembre, la sûreté fédérale des Etats-Unis (FBI) est sur le qui-vive et a prolongé l'état d'alerte en vigueur dans tout le pays jusqu'au 11 mars, afin de couvrir la totalité des Jeux. Il ne s'agit pas de transformer la grande fête olympique en camp retranché, assurent les autorités. Néanmoins, quelque 3 400 soldats de la Garde nationale ont été appelés pour veiller au bon déroulement des compétitions.

La traque des tricheurs

Certains diront qu'en voulant des Jeux « blancs » comme neige, le Comité international olympique (CIO), l'Agence mondiale antidopage (AMA) et le comité d'organisation des Jeux (SLOC) jouent avec les mots. Cependant, le Canadien Dick Pound, président de l'AMA, attend de ces Jeux qu'ils soient « les moins dopés de l'histoire olympique ». S'il doute que les autorités sportives puissent à elles seules « gagner la guerre » contre le fléau du dopage, il s'est déclaré résolu à remporter des batailles, à commencer par celle des JO 2002. Pour beaucoup, cette croisade a un air de déjà vu. En 1996, les jeux Olympiques d'Atlanta - certes, il s'agissait de Jeux d'été - devaient être les plus propres de toute l'histoire.
« N'attendez pas des athlètes qu'ils soient tous vertueux », a indiqué, pour sa part le président du CIO, Jacques Rogge, qui, bien qu'il mène une lutte active contre le dopage, souligne toute la difficulté à l'éliminer définitivement des stades.
A Salt Lake City, la traque des tricheurs a été savamment élaborée. Les organisateurs jugent extrêmement dissuasifs les 3 500 tests auxquels l'AMA a procédé durant l'année précédant les JO. Des tests impromptus, hors compétition, pratiqués dans 46 pays sur des athlètes de 75 nationalités différentes. Si 900 tests sont toujours en cours d'examen, 24 ont révélé des taux élevés de substances interdites. Le nom des athlètes convaincus de dopage devraient être révélés à la veille des Jeux et certains pourraient avoir fait le voyage pour rien.
Parmi les sports d'hiver, seuls le curling, le patinage artistique et le biathlon ne sont pas concernés.
A Salt Lake City, le CIO est l'unique responsable de la lutte antidopage. Ce qui n'exclut pas la présence de 12 observateurs de l'AMA, associés à tout le processus de la lutte antidopage, depuis les prélèvements jusqu'aux laboratoires agréés. Un laboratoire temporaire, agréé par le CIO, a été installé sur le site, pour la durée des JO. Selon le Dr Patrick Schamasch, directeur de la commission médicale du CIO, les 850 concurrents des disciplines d'endurance (ski de fond, biathlon et patinage de vitesse longues distances) doivent subir un contrôle sanguin, avant la compétition. Ceux dont les résultats d'analyse se révèleraient anormaux seraient soumis à un contrôle urinaire, en vue de déterminer s'il y a eu apport d'EPO (érythropoïétine) exogène. Les autres athlètes seront soumis à des contrôles urinaires, avant et pendant la compétition. Lors de chaque épreuve, les quatre premiers concurrents seront contrôlés ainsi qu'au moins deux autres tirés au sort.

Tolérance zéro

Au total, près de 1 700 contrôles doivent être pratiqués, soit trois fois plus que lors des précédents Jeux d'hiver à Nagano (Japon) en 1998. « Tolérance zéro », préviennent les organisateurs : les prescriptions médicales seront examinées à loupe pour repérer les ordonnances de complaisance. L'AMA lance un « passeport » pour chaque athlète, sorte de label qui détaillera les antécédents en matière de dopage et met à la disposition des athlètes et de leurs entraîneurs un site Internet « éducatif ».
« La recherche de l'EPO devrait freiner pas mal d'ardeurs, estime le Dr Christian Bénézis, ancien président de la Société française de médecine du sport . Encore faudrait-il que l'on ne soit pas passé à d'autres molécules que l'EPO. » Beaucoup de produits actuellement indétectables chez les sportifs circulent sur certains marchés : hémoglobines recombinantes, EPO retard, RFR 13, peptides EPO-like, NESP, pour n'en citer que quelques-uns. Quant à la recherche d'EPO, elle demeure timide, selon le Dr Bénézis, qui remarque que « la recherche de marqueurs permet de supposer la présence d'EPO ». Mais, dit-il, « il suffit d'arrêter de prendre de l'EPO trois jours avant les tests et on ne retrouve rien dans les urines ».
Chez les sportifs, certains sont plus susceptibles que d'autres d'avoir recours à des produits dopants. Globalement, tous ceux qui pratiquent des sports d'endurance sont vulnérables, comme les skieurs de fond. Rappelons qu'en 2001 un cataclysme avait touché le ski nordique. Lors des Championnats du monde de Lahti (Finlande), six fondeurs finlandais étaient contrôlés positifs.

Anne-Marie GAUDIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7060