Une chose est sûre, le lait de vache n’a définitivement plus sa place dans l’alimentation du petit enfant jusqu’à un an, et ce malgré une alimentation diversifiée et équilibrée. Actuellement, même si les compositions des laits pour nourrissons diffèrent, ils entrent tous dans une fourchette réglementaire française et européenne.
0 -1 an : quels laits pour quels bébés ?
Le choix d’un lait infantile, qu’il soit pour nourrisson ou de suite est rendu épineux par la multiplicité des formules, dont seules celles se prévalant d’allégation santé (lait hypo-allergéniques) ou nutritionnelles (six sont autorisées pas la directive CE 2006/141/CE (1) sont encadrées par la loi. En revanche, les allégations « transit », « confort », « digest »… échappent à la réglementation car elles ne sont pas d’ordre médical. « Raisonnement et bon sens clinique doivent alors guider le clinicien, qui doit arrêter cette valse des laits », supplie le Dr Jean-Pierre Chouraqui (service de Gastro-Entérologie, Hépatologie et nutrition pédiatriques, CHU de Grenoble). Le praticien doit avoir quatre repères. L’effet anti-régurgitation est obtenu par l’ajout d’amidon et de caroube mais attention, cette dernière est à proscrire en cas de coliques ou de transit rapide. L’impression de satiété est obtenue au moyen de davantage de sucres complexes (dextrine-maltose et amidon), beaucoup plus de caséine que de protéines solubles (80/20 et même 90/10) et d’acides gras à chaîne longue. En cas de mauvaise digestion du lactose documentée, un lait pauvre en lactose s’impose, avec éventuellement apport de lactase. Enfin, les laits « transit » ont un sucrage surtout constitué de lactose et un rapport caséine/protéines solubles diminué.
Les fenêtres de diversification
Depuis la publication dans les Archives de pédiatrie en avril 2008 (2), par le Comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie, d’une mise au point sur l’alimentation dans les premiers mois de la vie et sur la prévention de l’allergie, le débat sur l’âge de la diversification continue. Il est alimenté par des données et des avis parfois contradictoires, sinon discordants reposant souvent sur des arguments encore faibles sur le plan allergologique. « Les repères pour la population comme pour le corps médical doivent être simples, certifie le Pr Jean-Philippe Girardet (service de Gastro-entérologie et Nutrition pédiatrique, hôpital Trousseau, Paris) : pas de diversification alimentaire avant l’âge de quatre mois révolu. Multiplier avant cet âge les contacts avec les allergènes alimentaires augmente le risque allergique, phénomène encore plus marqué chez les enfants à terrain atopique ». Parmi la somme d’études appuyant cette affirmation, l’une d’entre-elles a montré que l’introduction précoce, avant quatre mois d’aliments autres que le lait maternel, augmente par exemple le risque d’eczéma (3). A 10 ans, ce risque était multiplié par 2,9 chez les nourrissons qui avaient ingéré au moins quatre aliments différents avant leur quatrième mois. Le Pr Girardet poursuit « certaines études suggèrent qu’il ne faut pas non plus trop retarder l’introduction des allergènes alimentaires autres que le lait, surtout chez les enfants allergiques, car il pourrait exister une fenêtre d’opportunité - entre 6 et 12 mois - au cours de laquelle le contact avec l’allergène favoriserait la tolérance vis-à-vis de celui-ci. Ainsi, chez l’enfant allergique, il n’est pas démontré qu’il y ait un intérêt à repousser au-delà d’un an l’introduction des aliments allergisants comme le poisson et l’œuf d’autant plus que leurs qualités nutritionnelles priment sur le risque allergique éventuel. En revanche, la consommation des aliments à fort pouvoir allergénique mais sans grand intérêt nutritionnel comme le kiwi, le céleri, l’arachide, les fruits à coque ou les crustacés, doit être retardée après l’âge de un an ». Cette position rejoint à quelques nuances près celles de l’OMS, de l’ESPGHAN (Société Européenne de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques) et celle du PNNS (Plan National Nutrition Santé). Traduction pratique par le Pr Frédéric Gottrand (service de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition, hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille ) « de la souplesse dans l’introduction des aliments : un par un, en débutant par les légumes et les fruits puis les protéines (œuf, viande, poisson). »
Trop tôt pour imiter les grands !
La diversification enclenchée « l’enfant ne doit pas être considéré comme un petit adulte » prévient Frédéric Gottrand. « Avant l’âge de trois ans, il a besoin d’une alimentation spécifique avec un apport de 500 ml de lait jusqu’à deux ans pour atteindre les taux conseillés en calcium, de la viande (ou œuf, poisson) une fois par jour et il faut s’abstenir de saler une alimentation adulte déjà trop riche ».
Et pourtant, 53% des 13-18 mois se nourrissent déjà comme des adultes, un passage trop rapide à l'alimentation des plus grands à partir de l’âge d’un an avec, à la clé, un apport insuffisant de lipides chez les plus de 18 mois et, de ce fait, une carence en acides gras essentiels renseigne l’enquête « Alimentation des enfants de la naissance à 3 ans. 1997-2005 : quelle évolution ? » (TNS-SOFRES/Syndicat Français des aliments de l’Enfance). Ce sondage a, du même coup, pointé l’existence d’apports insuffisants chez les enfants sous lait de vache en comparaison avec ceux qui sont sous lait de croissance. Ces derniers normalisent les apports en AG essentiels et en vitamines C et E, sans pour autant qu’il soit prouvé que cette insuffisance d’apport puisse impacter leur santé présente et future, en dehors du déficit préjudiciable en fer. Concernant les aliments industriels non lactés, ils sont, comme les laits de croissance et les préparations à base de céréales, reconnus par le législateur et relèvent de textes réglementaires français et de directives européennes : leur composition est appropriée et ils répondent à un impératif de sécurité bactériologique et toxicologique. Les parents offrent souvent une cuisine familiale spécifique aux enfants dès l’âge d’un an, c’est pourquoi explique le Pr Jacques Ghisolfi (chef du service de Médecine infantile, hôpital Purpan,Toulouse) « dans le cas d’une cuisine familiale bien conçue et équilibrée, les aliments industriels non lactés n’ont probablement aucune supériorité. Mais ils le sont incontestablement sur le plan de leur qualité nutritionnelle par rapport aux aliments industriels destinés à l’adulte (trop de sel, trop riches en protéines, pratiquement jamais d’acides gras essentiels, souvent trop d’acides gras trans). La place des produits industriels non lactés, petits pots et autres préparations, c’est lorsque la cuisine familiale fait défaut ». « Ils restent cependant plus chers et il est dommage de se priver, sur un plan affectif, relationnel et pour la construction du goût, de la préparation ménagère, ajoute Jean-Philippe Girardet. Les deux sont conciliables, les produits industriels non lactés sont pratiques, ils dépannent ».
(1) Lactose uniquement, sans lactose (teneur en lactose ne dépassant pas 10 mg/ 100 kcal), ajout d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne (en particulier d'acide docosahexaénoïque : DHA), de taurine, de prébiotiques (fructo et galacto-oligosaccharides), de nucléotides.
(2) « Alimentation les premiers mois de vie et prévention de l’allergie » Archives de pédiatrie 2008 ; 15 :431-442
(3) Fergusson DM, Pediatrics 1990 ; 86 (4) : 541-6.
Alimentation du nourrisson et de l’enfant en bas âge. Archives de pédiatrie 10 (2003) 76–81 79
http://www.sfpediatrie.com/uploads/media/alimentation_nourisson.pdf
Archives de pédiatrie 14 (2007) 370–375.
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