TOUS LES DIRECTEURS l'admettent, il faut être plus fin manager et meilleur gestionnaire aujourd'hui qu'hier pour piloter un hôpital publicdans un contexte où les moyens sont comptés.
Les insuffisances de certains expliquent-elles le turnover observé à la tête de plusieurs CHU ? «Vingt-neuf CHU sur trente et un sont en déficit. Je ne peux pas croire que vingt-neuf directeurs généraux ne sont pas compétents», explique l'un d'eux. L'heure est à l'union sacrée chez les directeurs, qui vivent assez mal les critiques en provenance du ministère de la Santé. Ici, c'est un DG de CHU qui a été rappelé à l'ordre pour être moins à Paris et plus présent dans son hôpital. Là, c'est un chef d'établissement qui a été prié de ne plus se répandre dans la presse. À Marseille, le directeur général du CHU, Guy Vallet, a dénoncé un manque de moyens dans un entretien récent accordé à « la Provence ». Il a été remplacé depuis… «Tous ceux qui ont critiqué l'insuffisance budgétaire ou la logique perverse de la tarification à l'activité se sont fait taper sur les doigts», affirme un directeur d'hôpital.
Poussés vers la sortie.
Mais l'explication serait plus complexe. Un haut fonctionnaire déroule son analyse : «Certains DG de CHU sont poussés vers la sortie car on pense qu'ils n'ont pas pu redresser les comptes. Ils sont les seuls responsables des déficits, mais ils ne sont pas seuls à agir. Les élus locaux interviennent. À Marseille, l'un des CHU les plus endettés, il faudrait comprimer les effectifs, mais le maire ne veut pas en entendre parler. La situation est connue depuis longtemps, elle a usé plusieurs DG. Tous abandonnent la partie.»
Un autre frein est clairement identifié : le corps médical. Comme l'explique Michel Rosenblatt, du SYNCASS-CFDT (Syndicat des cadres de direction) : «Gagner en performance n'est pas facile car cela suppose de modifier les organisations et les habitudes des médecins. Le management hospitalier peine à réformer du fait des rigidités à l'intérieur des pôles. Cela résulte surtout du maintien des services et des chefferies de service. Nous pensons que le temps est venu d'organiser aussi l'évaluation de chaque médecin.»
Christian Gatard, responsable de la branche cadres hospitaliers à FO-Santé, affirme que «les médecins ont encore le pouvoir de faire tomber un directeur». À Marseille, il se murmure ici ou là que les médecins seraient parvenus à imposer le DG de leur choix pour succéder à Guy Vallet.Pour Philippe El Saïr, président du SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers), le directeur d'hôpital du XXIe siècle n'a pas la tâche facile. «Nous sommes prêts à remettre les établissements à flot, dit-il, c'est notre métier et nous sommes faits pour ça. Mais on ne peut pas nous demander tout et son contraire. C'est-à-dire équilibrer les comptes tout en ne mettant personne dans la rue. La position des pouvoirs publics sur l'emploi hospitalier n'est pas assumée, cela nous place dans une posture délicate. Il faudrait que nous soyons soutenus quand nous supprimons des postes, or ce n'est pas toujours le cas.»
Sans aller jusqu'à se déclarer fusibles ou boucs émissaires, les directeurs d'hôpital se sentent tiraillés, écartelés. Angel Piquemal, président de la Conférence des directeurs de centres hospitaliers, ne dit pas autre chose : «Il nous faut des actes forts pour nous soutenir. Les divergences de vue entre le corps médical, les élus locaux et les directeurs engendrent beaucoup de problèmes. Le fait que des EPRD [état, prévisionnel, des recettes et des dépenses, c'est-à-dire le budget, NDLR] soient refusés par les instances internes prouve que nous avons du mal à rassembler et à convaincre. Si l'EPRD est refusé, l'hôpital aura des crédits limités. Et ce sera encore plus compliqué pour le directeur de faire respecter les grands équilibres financiers.»
À Paris, le directeur de l'ARH fait l'objet de toutes les rumeurs
Depuis un mois, la rumeur le dit sur la sellette. Un magazine a même donné le nom de son successeur. Mais, pour le moment, Jacques Métais est bien assis sur son siège de directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France (ARHIF). Ce haut fonctionnaire formé à l'ENSP aligne une longue carrière hospitalière, dont 12 ans comme patron d'ARH. Aurait-il failli à sa mission francilienne ? Lui ne fait aucun commentaire. Une explication circule néanmoins dans le microcosme hospitalier, qui ne manque pas d'inquiéter. «Jacques Métais fait les frais de luttes feutrées entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Intérieur qui veulent s'emparer de la direction des futures ARS [agences régionales de santé] », décrypte un patron d'hôpital. Nicolas Sarkozy a alimenté les craintes des hospitaliers lorsqu'il a parlé de préfets de région. «La RGPP [révision générale des politiques publiques, NDLR] va supprimer des sous-préfectures: des préfets devront être recasés», précise le directeur d'hôpital. Quelqu'un voudrait-il non pas la peau, mais la place, stratégique, de Jacques Métais ? «L'Élysée a des gens à caser, assure un autre observateur. Mettre un préfet à la tête de l'ARHIF servirait d'exemple à suivre pour les ARS.» Politique-fiction ou vraie manoeuvre obscure ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature