CLASSIQUE
Pourquoi faut-il que quasiment toutes les créations confiées par la direction artistique du Ballet de l'Opéra de Paris à des personnalités ayant fait leurs preuves dans le domaine de la chorégraphie contemporaine se soldent par des échecs ? Hormis « Les Voyages d'Ulysse », de Jean-Claude Gallotta, et « Le Parc », d'Angelin Preljocaj, qui sera repris en février (le même Preljocaj a cependant « râté » son « Casanova »), chaque carte blanche donnée à ces chorégraphes vire au désastre et ces créations disparaissent aussi vite qu'elles sont apparues. On a du mal à croire que tous les chorégraphes sombrent dans l'intimidation devant le formidable outil qu'on leur met entre les mains. La carte qu'on leur donne est-elle aussi « blanche » qu'on veut bien le dire ? Il faudrait mieux alors les inviter avec leurs propres compagnies comme on l'a fait récemment avec Philippe Decouflé. Il est vrai qu'il est bon pour les danseurs de sortir de leur routine classique ou néoclassique mais ce qui est bon pour les danseurs ne l'est pas forcement pour les spectateurs !
C'est ce que l'on se dit en sortant de quarante-cinq minutes de « Shéhérazade », la musique de Rimski-Korsakov (1888) étant du concentré de sensualité, avec la collaboration très réussie de Christian Lacroix qui a créé des costumes d'une fantaisie et d'une richesse luxuriante étonnantes et de Thierry Leproust dont les décors sont aussi monumentaux qu'ingénieux.
Bianca Li n'a pas suivi : sa chorégraphie qui revendique l'abstraction est aussi bien emballée qu'elle est vide de sens et de sensualité. Quelques beaux groupes, mais que de moments où il ne se passe strictement rien ! José Martinez flotte comme un maître d'hôtel distingué et blasé au milieu de tout ce qui s'agite en vain à son entoure, Delphine Moussin fait ce qu'elle peut pour pimenter la sauce mais n'y parvient guère. Seule la silhouette de Shéhérazade interprétée avec piquant par Laure Muret se détache de toute cette platitude.
Le morceau de choix étant présenté comme il se doit à la fin d'un programme russe ayant fort bien commencé, on a l'impression d'avoir ingéré un gros uf dégoulinant de mayonnaise trônant sur une jolie salade russe.
Confrontation de faunes
Ainsi quelle bonne idée de confronter les deux versions de « L'Après-midi d'un Faune », signées à quarante ans de différence par Vaslav Nijinski, dans un décor de Léon Bakst et celui de Jerome Robbins, dans un décor austère représentant un studio de danse. Surtout quand les deux faunes s'appellent Wilfried Romoli et Nicolas Le Riche, et leurs nymphes Laurence Laffon et Eléonora Abbagnato. Quel bonheur aussi que de retrouver en lever de rideau le merveilleux « Pétrouchka » de Stravinski, dans la chorégraphie indétrônable de Mikhaïl Fokine, qui fait de l'usage depuis 1911 dans les superbes décors d'après Alexandre Benois ! Lionel Delanoë, Laure Muret et Jean-Christophe Guerri, respectivement premier danseur, sujet et choryphée, ont prouvé qu'à tous les niveaux de la pyramide du corps de ballet règne la même excellence.
Autre réserve mainte fois formulée, si l'orchestre Colonne que dirigeait ce soir là Paul Connelly, assure le mieux que possible l'essentiel du répertoire de ballet, certains ouvrages lui sont vraiment hors de portée comme « Shéhérazade » et « Pétrouchka » et l'ensemble, comme certains pupitres solos (violon dans l'un, trompette pour l'autre), n'étaient pas à l'abri de défaillances.
Opéra-Garnier (08.36.69.78.68). Prochain spectacle « Clavigo » chorégraphie de Roland Petit du 21 au 31 janvier à 19 h 30 (le 27 à 15 h).
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