INSTALLÉ depuis déjà près d'un an, le Centre d'évaluation des troubles psychiques et du vieillissement (CETPV) de l'hôpital Sainte-Anne (Paris) n'est inauguré officiellement qu'aujourd'hui. Le centre a pour vocation l'accueil des patients qui présentent un «état de souffrance psychologique (anxiété, dépression, stress…) associée ou non à des préoccupations autour d'une diminution de leurs performances intellectuelles (mémoire, concentration...) et d'une altération de leur comportement (retrait, perte d'initiative, diminution de l'autonomie, difficultés dans les interactions sociales ou familiales…) », explique un document de Sainte-Anne. Le Dr Thierry Gallarda, responsable du centre, y ajoute «la perte d'envie, d'intérêt, toutes les questions existentielles liées au vieillissement». «Nous ne pouvons pas suivre tous les patients, faute de médecins. La philosophie, ici, explique le psychiatre spécialisé en gérontopsychiatrie, est de n'accueillir que les patients dont on sait qu'ils ne pourraient pas recevoir de soins par ailleurs ou alors ceux que nous voudrions intégrer à un protocole de recherche.» Ainsi, le centre ne dispose que de huit lits dédiés.
Le spectre d'Alzheimer.
Généralement, les patients sont adressés au centre par leur généraliste ou par l'institution qui les prend en charge. Il arrive aussi qu'eux-mêmes s'y présentent spontanément. Le cas type, indique le Dr Gallarda, «c'est la plainte mnésique qui finalement n'est autre qu'un problème psychique».
Le patient est évalué par des médecins et des infirmières spécialistes en gérontopsychiatrie et, si besoin, par des psychologues spécialisés en neuropsychologie ou dans l'évaluation de la personnalité. La première évaluation peut être suivie d'une hospitalisation de jour durant laquelle le patient est soumis à une évaluation neuropsychologique, une imagerie cérébrale, un bilan biologique et un électrocardiogramme, une consultation cardiologique, une évaluation de son statut nutritionnel.
La première consultation est l'occasion de «rassurer d'emblée un certain nombre de patients sur l'intégrité de leurs fonctions intellectuelles, en éliminant par exemple un diagnostic d'Alzheimer».
Alzheimer, «figure terrifiante» dans toutes ses représentations, certes, mais qui ouvre aussi, c'est le cas en l'espèce, une porte d'accès à la prise en charge de troubles peut-être moins perceptibles, qui affectent cependant la vie des personnes âgées.
Viser l'entourage.
Le centre a également vocation à offrir une aide aux proches des personnes âgées en difficulté. «Une fois sur deux, les conjoints sont très déprimés. Il est très fréquent qu'ils s'alcoolisent, surtout les hommes. Ils sont exténués et se rendent souvent responsables d'actes qui se situent à la limite du mauvais traitement. Quand les relations dans le couple n'étaient déjà pas très bonnes, cela peut prendre des dimensions explosives, voire donner des envies suicidaires à ceux qui, totalement débordés par un quotidien devenu infernal, anticipent la déchéance de leur épouse. Les enfants aussi peuvent souffrir de la dégradation de leurs parents. Des comptes se règlent au sein des familles, en particulier entre mères et filles.»
C'est d'ailleurs le contact avec l'entourage que le CETPV souhaite développer. «Les psys ont une carte à jouer auprès des proches qui se heurtent à un refus de soins d'un patient âgé.» Mais cela nécessiterait alors des équipes mobiles afin de permettre des interventions à domicile. «Certaines personnes âgées vivent seules dans de vrais taudis et leur maladie les extrait des soins. Les gériatres ont beaucoup de mal à les gérer. Ce serait une façon de les atteindre.»
Ere nouvelle ?
Cela fait vingt ans que la Suisse, l'Angleterre, le Canada se sont penchés sur la psychiatrie des personnes âgées, un peu de façon parallèle à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Chez nous, la «simple» gériatrie n'est apparue qu'au cours des trente dernières années. «Que fait-on des personnes “psychiatriques” vieillissantes qui souffrent, en plus, d'une perte d'autonomie? C'est le nouveau problème qui se pose désormais aux maisons de retraite. En France, l'apparition de nouveaux médicaments a un peu fait bouger les choses, heureusement; les laboratoires ont beaucoup investi et beaucoup médiatisé, et cela a favorisé une prise de conscience des enjeux médicaux liés au vieillissement. La gestion de la canicule aussi, si elle a clairement stigmatisé la médecine française à l'étranger, aura eu le mérite de faire parler de nos personnes âgées.»
Le Dr Gallarda milite pour la création d'un DES complémentaire de psychiatrie du sujet âgé. «Dans les années 1960, une tentative de gérontopsychiatrie à Sainte-Anne a vite été mise aux oubliettes.» Le diplôme serait aujourd'hui dans les tuyaux. Une nouvelle ère semble s'ouvrir sur la psychiatrie, sur la gériatrie, sur la façon même de considérer les personnes âgées.
Pour tout renseignement, Justine Duranty : secretariat-consult-SHU@ch-sainte-anne.fr.
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