2002-2008. L'AFSSET aura tenu six ans face aux vents contraires qui ont soufflé sur la plus jeune et la plus petite agence sanitaire, dès sa naissance. «En 2002, rappelle au “Quotidien” sa directrice générale, le Dr Michèle Froment-Védrine, à la différence des autres agences dotées d'emblée de puissants moyens, nous avons souffert de l'insuffisance de nos budgets et d'une réglementation défavorable: lancés avec un effectif de 12personnes, sans même disposer d'un local, nous avons cependant assumé notre rôle de tête de réseau d'expertise. Sans produire nous-mêmes d'évaluation, nous coordonnons les travaux de partenaires extérieurs, sans que les pouvoirs publics aient obligation d'en passer par nous. Le résultat, c'est qu'aujourd'hui nos cinq ministères de tutelle (Écologie, Santé, Travail, Agriculture et Économie) commandent en direct des études à des organismes divers, qui partent dans tous les sens.»
Pour Michèle Froment-Védrine, il faudrait donc recréer l'AFSSET. Et adopter une meilleure gouvernance de l'expertise scientifique. «Mais la RGPP a choisi de nous démanteler, accuse-t-elle, nous allons être avalés par l'AFSSA.»
Pourtant, l'agence avait fini par atteindre une masse critique satisfaisante, estime sa directrice, avec 120 collaborateurs réunis en quatre départements (chimie, biocides, air et agents physiques) et un budget de 20 millions d'euros. Le contrat d'objectifs et de moyens signé l'an dernier avec le gouvernement pour la période 2008-2011 avait confirmé le rôle de l'AFSSET dans deux plans jugés sensibles : le plan national Santé-Environnement (PNSE) et le plan Santé-Travail. L'expertise de l'agence devait également contribuer à l'application du règlement européen concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques (REACH). En 2007, l'AFSSET a publié une douzaine d'avis sur des sujets variés : fibres minérales artificielles, virus H5N1, éthers de glycol, qualité de l'air dans les parkings couverts, fixation de valeurs toxicologiques de référence, valeurs guides de l'air intérieur, coûts liés à la prise en charge de certaines pathologies liées à la pollution.
« Des audits pour maquiller a posteriori un plan ».
Auditionnée comme les autres directeurs d'agence dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la directrice de l'AFSSET estime qu'elle n'a «absolument pas été entendue» par ses juges. «Ils m'ont écoutée sans émettre la moindre objection, confirmant par leur indifférence ma certitude: ces audits sont seulement destinés à maquiller a posteriori un plan qui a été décidé dans la foulée du rapport Girard, pour ramener à trois le nombre des agences sanitaires. Pourquoi trois? Cela n'apporte rien et personne n'est en mesure de me l'expliquer, pas même deux des ministres de tutelle que j'ai pu rencontrer.»
Michèle Froment-Védrine ne décolère pas. «Cette réforme a été adoptée sous la pression de quelques financiers qui bradent la sécurité environnementale en France, lance-t-elle. Sous couvert de réaliser des économies qui vont vite se révéler illusoires, on sacrifie les impératifs scientifiques et on s'expose à voir éclater bientôt des crises graves, par exemple dans le domaine des biocides.»
La directrice de l'AFSSET présente ce matin à la presse son rapport 2007, qui, selon toute vraisemblance, dit-elle au « Quotidien », sera le dernier. Vendredi, elle quittera ses fonctions, parvenue au terme de son second mandat. «A ma connaissance, je ne serai pas remplacée, même de manière intérimaire. Pour les quatre chefs de département de l'agence et leurs équipes, tout risque de s'arrêter. C'est un énorme gâchis scientifique et humain.»
« Un réel besoin d'expertise »
Auditionnée le 6 mai par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Michèle Froment-Védrine a présenté un bilan de ses mandats et un résumé du rapport d'activité 2007 de l'agence. Selon l'OPECST, l'audition a révélé que l'agence «avait démontré l'existence d'un réel besoin d'expertise dans son champ de compétence». En 2007, en dépit, notamment, de moyens limités, elle a répondu aux saisines qui lui ont été adressées et s'est parfois autosaisie, ce qui a abouti à 12 avis publiés (fibres minérales, H5N1, éther de glycol, qualité de l'air dans les parkings couverts, coûts de prise en charge de pathologies liées à la pollution, etc.).
L'audition a permis d'évoquer plusieurs voies pour améliorer la gouvernance de l'expertise scientifique, relève encore l'OPECST, dont la coordination des saisines émanant des autorités de tutelle et des autres ministères, la définition des conditions permettant à une personne de se dénommer « expert » et la protection de l'expert «contre certaines manoeuvres d'intimidation ou visant à le décrédibiliser».
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