Le temps de la médecine
Notre cycle veille-sommeil est sous la dépendance du rythme nycthéméral : ce rythme lumineux externe synchronise, via des pigments de la rétine, notre principale horloge biologique interne. Cette dernière est localisée dans notre hypothalamus, au niveau des noyaux suprachiasmatiques. Elle contrôle le fonctionnement de nombreuses sous-horloges qui gèrent la synthèse d'enzymes et d'hormones, la régulation de notre température centrale et, de manière indirecte, nos cycles veille-sommeil.
En l'absence de synchroniseur externe (lors d'un séjour prolongé dans une grotte ou un autre abris confiné), l'horloge biologique interne se décale légèrement et fonctionne selon une période environ égale à vingt-cinq heures. Ce sont donc la lumière du jour et les habitudes sociales (heures des repas, heures du coucher et du lever...) qui nous conduisent à découper notre vie en périodes de vingt-quatre heures, selon le rythme circadien.
Informations lumineuses et sociales décalées
Lorsque nous effectuons un long voyage transméridien en avion, alors que notre horloge circadienne continue à fonctionner selon le rythme de départ, elle reçoit des informations lumineuses et sociales décalées. Il en résulte une inadéquation entre les rythmes biologiques de notre organisme et les rythmes environnementaux. Cette désynchronisation entraîne ce que les Anglo-Saxons ont baptisé le jet-lag.
L'expression décrit l'ensemble des symptômes résultant de l'adaptation de l'organisme à un nouveau fuseau horaire, décalé d'au moins trois heures par rapport au fuseau de départ. Ces symptômes incluent des troubles du sommeil (difficulté à l'endormissement, réveil nocturne...) qui entraînent une fatigue et un mal-être général. Des troubles du comportement (irritabilité, malaise psychologique...) ou de la vigilance (difficulté d'apprentissage, manque de concentration...) sont également observés chez certaines personnes. Ces symptômes s'atténuent au bout de quelques jours, mais une resynchronisation complète de notre horloge biologique nécessite parfois plus d'une semaine.
Les effets désagréables du décalage horaire peuvent être amoindris par quelques règles simples à appliquer. Lors de votre arrivée dans un nouveau fuseau horaire, évitez les excitants (alcool, café, tabac). Privilégiez la consommation de protéines le matin et celle de sucres lents le soir. Les siestes sont déconseillées. Vous pouvez aussi utiliser le soleil pour accélérer votre adaptation au nouvel horaire : si vous voyagez vers l'ouest, exposez-vous à la lumière le soir et évitez-la le matin. Faites le contraire si vous vous rendez à l'est.
Si vous avez de réelles difficultés d'adaptation, vous serez peut-être tenté par l'utilisation de cachets de mélatonine. L'effet bénéfique de cette hormone sur les symptômes associés au jet-lag a été démontré de manière convaincante (voir encadré). Cependant, attention : la commercialisation de cette molécule est toujours interdite en France (sauf comme médicament vétérinaire), bien que l'on puisse se la procurer très facilement aux Etats-Unis et dans d'autres pays.
Un point sur la mélatonine
La mélatonine est une substance naturellement présente dans l'organisme de tous les mammifères, dérivant du tryptophane et de la sérotonine. Elle est principalement synthétisée au niveau de la glande pinéale. Sa production et sa sécrétion sont régulées par des enzymes dont l'activité dépend du rythme nycthéméral. Sa concentration dans le sang périphérique augmente lors du passage lumière/obscurité et se maintient à un niveau élevé pendant toute la période obscure. Sa production s'arrête au retour du jour. Cette production cyclique participe à la mise en place de notre rythme veille-sommeil.
La prise de mélatonine exogène, peu avant le coucher, semble permettre de resynchroniser l'horloge biologique et ainsi d'atténuer les effets du décalage horaire. Une étude britannique a récemment compilé les conclusions de dix essais cliniques randomisés contrôlés portant sur l'effet de la mélatonine chez le voyageur : huit ont montré une nette diminution des symptômes associés au jet-lag chez les sujets ayant pris de la mélatonine ; dans les deux autres études, mélatonine et placebo semblent avoir des effets équivalents, mais il est apparu, dans l'un de ces deux essais, que les sujets évalués n'étaient probablement pas complètement synchronisés sur le fuseau horaire de départ.
Si des effets indésirables associés à la prise de mélatonine n'ont que très rarement été rapportés, aucune étude n'a procédé à leur recherche systématique. Tant que de telles études n'auront pas été réalisées, deux catégories des personnes doivent absolument éviter de prendre de la mélatonine : celles suivant un traitement à la warfarine ou à un autre anticoagulant oral et celles souffrant d'épilepsie.
A. Herxheimer et coll., « British Medical Journal », février 2003, vol. 297, pp. 296-297.
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