La coiffe des rotateurs est composée de quatre muscles : le sus-épineux, le sous-épineux, le sous-scapulaire et le petit rond. Cet ensemble musculaire est nécessaire à la fonction et à la force de l'épaule, dont il prévient l'excentration, source d'une éventuelle dégradation arthrosique par son action d'abaissement de la tête humérale par rapport à l'arche acromio-coracoïdienne. Le sous-épineux et le sous-scapulaire sont les deux principaux muscles qui s'opposent à l'ascension de la tête humérale induite par la contraction du deltoïde qui élève et excentre la tête humérale par rapport à la glène scapulaire et participe donc à l'apparition de l'omarthrose excentrée.
La rupture de la coiffe des rotateurs peut se limiter au sus-épineux - elle est alors volontiers douloureuse - ou concerner également les sous-épineux et sous-scapulaire, situation au cours de laquelle on observe une perte vraie de la force de l'épaule et non une perte due à la douleur.
La chirurgie est souvent trop tardive
Malheureusement, la réparation chirurgicale de la rupture de la coiffe des rotateurs se solde trop souvent par des ruptures itératives (donc par un échec de la chirurgie proposée) dont on comprend mieux aujourd'hui les raisons.
En effet, on a pu observer que les muscles dont les tendons se rompent sont le siège d'une dégénérescence graisseuse. En d'autres termes, les fibres musculaires s'atrophient, et l'espace créé est comblé par du tissu adipeux. Il s'agit d'une véritable infiltration graisseuse des muscles. Il est possible, du reste, que ce phénomène soit lié à une forme de neuropathie intramusculaire. La dégénérescence graisseuse entraîne une perte de force musculaire qui augmente avec l'importance de la dégénérescence graisseuse, laquelle s'accroît avec l'ancienneté de la rupture. L'action du sous-épineux et du sous-scapulaire devient alors insuffisante pour s'opposer efficacement à la remontée de la tête humérale sous l'effet du deltoïde. Le sus-épineux réparé est dès lors le siège de frottements contre l'acromion et se rompt à nouveau. On sait donc aujourd'hui que le résultat anatomique des réparations de la rupture de la coiffe des rotateurs dépend du degré de dégénérescence graisseuse du sous-scapulaire et du sous-épineux au moment de l'intervention. Or la réparation du tendon ne fait pas régresser, avant au moins quatre ou cinq ans, la dégénérescence graisseuse. Ainsi, même si le tendon suturé chirurgicalement ne se rompt pas rapidement, la force des muscles abaisseurs est amoindrie et se révèle insuffisante pour éviter les ruptures itératives secondaires.
En toute hypothèse, il conviendrait donc d'opérer avant l'apparition du phénomène de dégénérescence graisseuse, mais toutes les ruptures de coiffe ne sont pas symptomatiques. Lorsqu'elles le sont, on observe généralement des lésions déjà anciennes. Car, bien souvent, le patient douloureux a en effet été trop longuement traité par les antalgiques, et la rééducation, qui, certes, fortifie les muscles présents (non rompus) mais ne redonne pas à l'épaule sa fonction normale. Ce cursus purement médical était d'autant plus prôné que les résultats de la chirurgie apparaissaient il y a quelques années notoirement mauvais. L'indication de la réparation chirurgicale n'était donc posée que pour remédier à une situation déjà trop détériorée.
En pratique, les ruptures de coiffe qui intéressent le sus-épineux et le sous-épineux ou le sus-épineux et le sous-scapulaire doivent être réparées chirurgicalement pour éviter l'apparition des ruptures itératives et la possible évolution vers une arthrose excentrée de l'épaule dont le traitement par mise en place de prothèse est beaucoup plus difficile que celui des arthroses centrées survenues sur des épaules à coiffe non rompue. Celles qui n'intéressent que le sus-épineux - dont la fonction se limite à maintenir le sous-scapulaire en avant et le sous-épineux en arrière - n'ont pas vocation à l'être de façon systématique.
Transposer le bloc musculo-tendineux
Comment dès lors améliorer les résultats de la réparation chirurgicale de la rupture de la coiffe des rotateurs ? Comme nous venons de le voir, les gestes réalisés de façon plus précoce dans l'histoire de la maladie ont certainement plus de chances d'être efficaces à court et moyen terme. Par ailleurs, il convient de porter une attention particulière à la qualité du tendon que l'on souhaite réinsérer. Les tendons rompus sont histologiquement anormaux : ils sont le siège d'une dégénérescence heureusement visible macroscopiquement. Ils apparaissent clivés, dilacérés, à l'il du chirurgien. Or l'expérience montre qu'une suture réalisée sur un tel matériel cède en général rapidement après l'intervention. Il semble donc souhaitable, pour réaliser une suture suffisamment solide, de retirer l'extrémité macroscopiquement anormale du tendon à réinsérer. Mais ce faisant, on augmente la distance entre l'extrémité supérieure de l'humérus et celle du tendon, ce qui a pour effet d'élever la tension sur la zone de suture. Et, là encore, on sait que les réparations cèdent précocement lorsqu'elles sont réalisées sous tension. Une solution consiste donc à désinsérer de l'omoplate l'ensemble du bloc musculo-tendineux pour le déplacer vers l'extrémité de l'humérus et permettre ainsi une suture tendineuse en position anatomique sans tension. Une autre technique consiste à utiliser des lambeaux musculaires (issus du deltoïde, du grand pectoral, du grand dorsal ou du trapèze supérieur, selon les muscles à réparer) avec toutefois, en général, de moins bons résultats à la clé.
L'acromioplastie, qui consiste à « raboter » la face inférieure de l'acromion contre laquelle vient buter le sus-épineux, n'est, quant à elle, qu'une chirurgie palliative qui entraîne une décompression de la loge sous-acromiale, et donc une amélioration sensible du syndrome douloureux mais n'empêche pas la poursuite de l'ascension de la tête humérale, si les muscles abaisseurs ne sont pas fonctionnels. Le résultat final semble donc assez peu différent de l'évolution spontanée d'un grand nombre de ruptures de coiffe non opérées qui redeviennent le plus souvent presque indolores, mais seulement après de nombreux mois.
Une rééducation longue et prudente
Enfin, la réparation sous arthroscopie ne s'adresse logiquement qu'aux ruptures dont les moignons tendineux sont macroscopiquement sains et restés près de leur ancienne insertion humérale. Elle concerne essentiellement les ruptures isolées du supra-épineux, pour lesquelles l'intérêt réel de la réparation doit être bien pesé. La réparation sous arthroscopie ne permet pas la réalisation des avancements tendino-musculaires dont il est question plus haut.
En pratique, après la chirurgie et quelle que soit la technique de réparation, on respectera une période d'un mois environ de mobilisation purement passive de l'épaule en maison de rééducation spécialisée, qui entretiendra la mobilité de l'articulation. Passé ce délai, on permettra une mobilisation progressivement active sous la surveillance du chirurgien. Les résultats s'améliorent petit à petit jusqu'au dix-huitième mois après l'intervention même si l'épaule redevient fonctionnelle après six mois d'évolution postchirurgicale.
Les patients dont l'épaule a été ainsi réparée voient leur force musculaire doubler, mais ne retrouvent en principe jamais une fonction complète, en raison de la dégénérescence graisseuse qui a eu le temps de s'installer. En revanche, chez les sujets jeunes dont le ou les tendons non dégénérés se sont rompus récemment à l'occasion d'un traumatisme important, une fonction quasi normale pourra être retrouvée quelques mois après la chirurgie.
D'après un entretien avec le Pr Daniel Goutallier, service de traumatologie et d'orthopédie de l'hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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