EN DEHORS de ces trois mesures, annoncées depuis longtemps, le programme de Mme Royal est d’un grand classicisme, dans la mesure où il ne s’écarte guère d’une ligne qui remonte à Jospin et même à Mitterrand. On lui reprochera notamment son manque de précision : le Smic à 1 500 euros n’est révolutionnaire (et dangereux) que s’il est appliqué dès cette année ; sinon, il atteindra naturellement cette somme par la politique des coups de pouce en milieu d’année. Et surtout, bien qu’elle ait évoqué la dette et les déficits, mais seulement pour montrer qu’elle ne les oublie pas, elle n’a pas dit de quelle manière elle entend financer ses nombreuses mesures sociales. Elle s’est donc bien gardée d’annoncer la forte hausse de la fiscalité sans laquelle ses promesses ne seront pas tenues.
Sarkozy aussi.
Mais elle n’est pas la seule : M. Sarkozy non plus n’a pas chiffré son projet, qui n’est d’ailleurs pas achevé : par exemple, il ne nous dit pas comment il va diminuer de quatre points de PIB les prélèvements obligatoires, tout en réduisant les déficits publics et la dette. Bref, nous avons tous besoin de compléments d’information avant de faire notre choix : le discours à la Castro de Mme Royal n’était pas complet pour autant. Il contenait de beaux morceaux de bravoure qui auront amélioré sa note d’éloquence, notamment quand elle a dit que, en tant que mère, elle a une «conviction chevillée au corps» : elle ne peut pas admettre que des enfants, parfaitement comparables aux siens, ne bénéficient pas tous en France d’un logement décent.
Mais son plan pour l’habitat n’est pas plus impressionnant que celui de Jean-Louis Borloo, qui a l’avantage d’exister déjà et d’avoir reçu un financement et un début d’application. Dans ce domaine, et si elle était élue, elle ne pourrait que reprendre à son compte le travail du ministre actuel des Affaires sociales.
Ce qu’il y avait de différent, et même d’unique, dans son discours, c’est ce qu’elle avait déjà annoncé, non sans inquiéter la gauche : révision de la carte scolaire, encadrement militaire pour les jeunes délinquants, jurys citoyens. Cela ne suffit pas néanmoins à donner à son projet un aspect original : ses 100 propositions ressemblent furieusement aux 110 propositions de Mitterrand, de sorte qu’on a le sentiment d’un retour à la période du jurassique. Pour la France de 2007, les solutions de 1981, largement appliquées, seront inopérantes.
Mme Royal a voulu donner des gages à son parti, après l’avoir brutalisé pour qu’il la désigne. Elle s’est donc trompée d’étape : elle s’adresse désormais à l’ensemble des Français, et non pas à des apparatchiks qui n’ont plus le choix. Ou, plutôt, elle a voulu les galvaniser avant d’entrer en campagne, mais le discours-programme apparaît du coup comme antidaté. Il faut maintenant qu’elle dise clairement comment elle va financer son projet si elle veut être crédible et, de son côté, M. Sarkozy doit en faire autant. Les mesures gadgets n’ont aucun intérêt. Seuls comptent les équilibres fondamentaux.
LA OU MME ROYAL AURAIT DU RESTER ELLE-MEME, ELLE A VOULU FAIRE PLAISIR A SES CAMARDES SOCIALISTES
Qu’en pensent les PME ?
On peut très bien comprendre que Mme Royal s’inquiète d’un niveau des revenus alarmant et qu’elle intensifie l’effort pour les retraites de base et le Smic. C’est une approche possible pour relever le pouvoir d’achat. En revanche, il ne suffit pas qu’elle mette l’accent sur l’importance des entreprises : ce n’était peut-être pas le jour, mais il importe qu’elle les rassure. Or ce sont les PME qui subiront le choc d’un smic à 1 500 euros si la mesure est prise dès qu’elle aura été élue. Comment pourraient-elles se contenter de mots apaisants, alors qu’elles sont responsables du tissu social français (beaucoup plus que les grandes entreprises qui, elles n’assurent, que 15 % de l’emploi privé) et qu’une hausse brutale du salaire minimum risque de les conduire à licencier ?
On a donc envie de dire à Mme Royal : rien n’est simple et vos deux heures de discours auraient été mieux employées si vous étiez entrée dans les détails. Dans ce discours, trop socialiste, pas assez ségoléniste, il manquait, sinon une vision, un souffle ; ce texte n’est visiblement que le produit d’un compromis avec le Parti socialiste et il consacre une curieuse approbation de la candidate à des méthodes caduques. On lui a dit de rappeler les socialistes tentés par l’extrême gauche et, inversement, ceux que M. Bayrou fascine. Elle a obéi, elle a eu tort. Il lui suffisait d’être elle-même. Il lui suffisait de dire, dimanche dernier, qu’elle allait enfin procéder à une réforme du socialisme français, l’un des mouvements les plus sclérosés du pays.
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