Ils s’appellent Laurent, Erwan, Mathilde, Maxence, Gabrielle et Michaël et ont tous en commun la volonté de réussir… Quoi qu’il en coûte ! Comme eux, ils sont chaque année de plus en plus nombreux à sauter le pas et à décider de partir étudier la médecine en Roumanie. Ces nouveaux migrants sont Français et rêvent de devenir médecin. En quelques années, le pays est devenu le nouvel eldorado de ces étudiants en mal de formation. Depuis son entrée dans l’Union européenne en 2007 et l’uniformisation des diplômes universitaires, le phénomène ne cesse de croître. De 11 700 pendant l’année scolaire 2000-2001, le nombre d’étudiants étrangers – toutes nationalités confondues – a progressivement augmenté pour atteindre 13 800 à la rentrée 2009-2010. « Je n’arrivais pas à me résoudre à ne pas faire médecine. J’ai découvert un jour par hasard sur Internet que je pouvais faire mes études en Roumanie. Je me suis donc décidé », se souvient Laurent. Il y a 4 ans, après deux premières années de médecine à l’Université
Antilles-Guyane et échoué, il décide de tenter l’aventure roumaine. Cet étudiant de 24 ans fait partie de la première génération de Français à être arrivé à Oradea, près de la frontière avec la Hongrie, à 600 km de Bucarest. D’après ce « Roumain d’adoption », cela fait environ 5 ans qu’il y a vraiment une arrivée massive de Français, « avant c’était plus des francophones ». « Rien que dans notre faculté il y a à peu près une cinquantaine de Français toutes années confondues », estime-t-il.
Même détermination chez Erwan qui s’est installé à Arad il y a trois ans, après deux échecs en P1 à la faculté de médecine de Tours. « Il n’était pas question pour moi de laisser tomber et je me suis donc lancé », raconte ce jeune Orléanais de 24 ans. Originaire de Montpellier, Michael, quant à lui, a décidé, pour « être sûr » de son choix, de se rendre avec un ami à Cluj-Napoca pour visiter les locaux de l’université qui a accueilli, en 2010, 457 étudiants français dans sa filière francophone de médecine. Un chiffre qui a bondi de 70 % en un an. L’ambiance et l’environnement lui ayant plu, il a envoyé dans la foulée son dossier d’inscription. Les candidats sont évalués sur leurs notes obtenues au bac, un CV et une lettre de motivation leur étant souvent demandés. « Ils regardent nos notes du bac, surtout dans les matières scientifiques, ainsi que nos activités annexes à notre cursus scolaire comme les activités médico-sociales », explique-t-il.
Une formation « pratique »
Si la durée des études est sensiblement la même qu’en France, les critères d’admission et le coût de la formation changent en fonction de la nationalité des candidats, mais aussi des universités. Les Roumains paient, en moyenne, 200 euros par an et doivent passer un concours afin de commencer leurs études de médecine. À l’inverse, les étrangers sont admis sur dossier. Face à cette nouvelle vague d’immigration, les universités roumaines se sont adaptées et ont multiplié leurs offres. De plus en plus de programmes sont proposés en anglais et en français.
Mais, pour ces futurs médecins, l’avantage de cet enseignement roumain réside surtout dans son volet pratique. Les élèves peuvent, dès la 1re année, faire des dissections et, en deuxième année, des gardes. Ils ont également la possibilité de faire des stages pendant les vacances universitaires. « J’ai fait un stage cet été dans un hôpital en chirurgie et le professeur qui a été mon tuteur m’a proposé à l’issue de mon stage de l’assister, ce qui serait impossible en France, pour une chirurgie hiatale », se réjouit Erwan. Une formation pratique sollicitée par la plupart des étudiants et qui séduit les nouveaux arrivants. C’est le cas de Gabrielle, 20 ans, qui, après deux premières années à l’université de Rennes, a finalement été admise cet été à Cluj-Napoca. « J’ai un ami qui est là-bas depuis deux ans et qui m’a dit qu’il y avait beaucoup de pratique et cela dès la première année, c’est très motivant ! », se réjouit-elle.
Pour sa part, Mathilde a commencé par une licence de tourisme à Nîmes, qui ne lui « plaît pas du tout» et, selon cette Montpelliéraine, il était trop tard et « trop compliqué?», pour faire médecine en France. Elle a donc décidé d’aller en Roumanie pour réaliser son ambition de toujours, celle de devenir médecin. Elle aussi juge la formation « plus réaliste que de travailler sur des bouquins comme en France?». « Nous travaillons sur des supports en français et en roumain, il y a pas mal de pratique. Cela casse avec la monotonie des cours magistraux qu’il y a en France », selon elle.
Petites promos, mais pas petits prix
Pour Laurent, c’est la proximité et la disponibilité de ses professeurs qu’il apprécie le plus. « Il n’y a pas de ressemblances avec la France dans ce sens où on a une promo de 70 étudiants avec 7 groupes de 10, ce qui permet d’avoir, en quelque sorte, des cours particuliers. On a le numéro de portable de nos professeurs qui sont très disponibles. » Mais, pour tous ces étudiants, c’est aussi l’occasion de s’ouvrir à une autre culture. La proximité de leur logement avec l’université et la possibilité de se faire rapidement des amis contribuent également à leur bien-être sur place. « Nous sommes de petites promos, du coup c’est plus facile de nouer des contacts. Nous sommes très soudés », raconte Mathilde. « Cluj-Napoca est une très jolie ville où se côtoient beaucoup de nationalités différentes, cela m’a donné une bonne impression », raconte Gabrielle qui fera sa rentrée à l’université dans quelques jours. « C’est comme Paris, vous avez tout ce qu’il faut, c’est génial », surenchérit Maxence qui vient de valider sa 1re année de médecine.
Reste que cette nouvelle vie n’est pas à la portée de tous. Car les frais d’inscription annuels peuvent grimper jusqu’à 5 000 euros. Bien plus que nos frais de facs, mais pas forcément que nos prépas privées... Un business qui pousse, d’ailleurs, les universités roumaines à investir davantage dans ce secteur. Et qui fait l’objet de nombreuses critiques.
Certains jugent la sélection faite par les facultés trop « facile » et remettent en cause la qualité de l’enseignement délivré, allant même jusqu’à accuser les étudiants d’acheter leur diplôme. « Au début, la Belgique avait aussi mauvaise réputation, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui?; ce sera pareil demain avec la Roumanie », analyse Mathilde, étudiante en 2e année de médecine à Arad. « Au départ, j’étais inquiet, se souvient Michael, mais cela s’est très vite dissipé. Dès mon arrivée, j’ai vu qu’ils avaient la même exigence de travail. Pour faire taire les rumeurs, ils sont obligés de devenir plus exigeants, ce n’est pas dans leur intérêt d’avoir cette image », explique-t-il. Cette mauvaise réputation n’entache en rien la motivation des plus jeunes qui souhaitent venir en Roumanie. « C’est vrai que j’avais peur par rapport à tous les on-dit mais, une fois à Cluj, j’ai été rassuré », se rappelle Maxence. L’entourage de Gabrielle a également contribué à la conforter dans son choix. « Je connais des amis qui travaillent avec des médecins roumains et qui les apprécient beaucoup. Je pense qu’il n’y a pas de différence de formation entre les praticiens roumains et français », affirme l’étudiante.
Aller simple, sans retour ?
Bémol toutefois, se former en Roumanie présente l’inconvénient d’un aller simple sans retour, en tout cas pendant la durée des études. Question de méfiance persistante dans l’Hexagone, mais aussi parce que la réglementation sur l’accès à l’Examen Classant National (ECN) s’est durcie ces derniers mois. « Après mes études, je pense aller aux États-Unis parce qu’en France on m’a bien fait comprendre qu’on ne voulait pas de moi. On nous regarde de travers parce que nous faisons nos études en Roumanie. J’ai réussi à trouver mes stages en Guadeloupe parce que j’avais des contacts là-bas, mais, sinon, en France métropolitaine, c’est très difficile », regrette Laurent. Pour Michael, l’expérience du retour en France est plus mitigée. « Il faut que l’on fasse davantage nos preuves. Mais parfois c’est aussi le contraire. Les gens s’intéressent, nous posent des questions », nuance-t-il.
S’installer en Roumanie, pourquoi pas...
Beaucoup d’étudiants qui ont migré en Roumanie souhaiteraient revenir en France pour faire leur internat, mais les universités roumaines ne les préparent pas à l’ECN. Un frein important pour ces carabins qui, pour certains d’entre eux, s’organisent très tôt. « C’est vrai qu’ils ne nous préparent pas à cet examen en Roumanie et cela peut jouer en notre défaveur, mais on y travaille déjà avec un groupe d’étudiants », confie Mathilde. D’autres, plus amers, n’envisagent pas de « rentrer » et critiquent les « défaillances du système de santé français ». À l’image de Maxence, 21 ans, né en région parisienne, qui se sent « plus investi » dans ses études depuis qu’il est en Roumanie et n’échafaude aucun
projet dans l’Hexagone, trouvant que « la France ne va pas dans une bonne direction ». S’installera-t-il en Roumanie ? Pourquoi pas...
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