« Le Misanthrope », de Molière

Roulez jeunesse

Publié le 13/01/2004
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UN GRAND MIROIR. C'est Versailles, la cour, la Galerie des Glaces. Tout ce qu'exècre Alceste. Mais c'est aussi l'image d'un narcissime profond. Celui du même Alceste. S'il n'était pas sûr d'avoir raison, celui qui rompt d'abord avec son ami Philinte, puis rompt avec sa maîtresse - au sens XXIe siècle aussi - Célimène à la fin, ne trouverait-il pas quelque répit ?
Le lit, avec le miroir - et sans oublier quelques chaises - tient lieu ici de tout décor. Cela aussi, c'est très Versailles ! Du grand lit au « désert » de toute relation ira le Misanthrope...
Hanté, presque cassant, c'est ainsi que Claude Duparfait, acteur depuis toujours excellent, donne vie et nervosité fascinantes à Alceste. Il n'a aucun temps à perdre, tout l'énerve. Ce qu'il prétend souhaiter, une pureté, une vérité des paroles, des actes, du monde, est impossible. Il le sait. Mais il campe sur ses positions. Une paranoïa s'épanouit sur de tels champs. Claude Duparfait prête à Alceste une souffrance, une folie. Les nerfs sont à vif.
Les personnages, dans leurs costumes qui ont l'air du jour, sont très bien dessinés, transposés. On croit à l'Oronte de Philippe Girard comme aux marquis de Jean-Marc Eder et Nicolas Pinon, comme à la douloureuse mais méchante Arsinoé d'Hélène Schwaller. Eliante est une Claire Aveline épanouie tandis que Thierry Paret donne à Philinte une force, une douceur en même temps, qui convainquent.
Célimène fait un peu petit chat. Mais Maud Le Grévellec a tant de finesse et de charme qu'on accepte cette proposition un peu rugueuse. Pour peu qu'on accepte la lecture générale de Stéphane Braunschweig - qui ne force rien mais demeure indifférent au politique ici - le spectacle est très intéressant et séduit la jeunesse ce qui est très important. Travail intelligent, loyal, lecture précise. Braunschweig s'en rapporte d'abord à la langue. Aux folies d'Alceste qui seraient littéralement contenues par les vers. Cela aussi, c'est très intéressant.

Théâtre des Bouffes du Nord, à 20 h 30 du mardi au samedi et en matinée le dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 55 sans entracte (01.46.07.34.50). Jusqu'au 15 février.

> A. H.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7455