Quelle relation entre quelques gouttes de sirop bien sucré et une bille faisant ses cercles sur une roulette ? Peut-être la dopamine, si l'on en croit une étude parue dans « Science ». Une distribution d'un peu de sirop est le rêve de singes étudiés en laboratoire. Un nombre sur la piste de roulette, avec son gros lot éventuel, celui du joueur.
Le travail mené par Christopher D. Fiorillo (Cambridge) et de collaborateurs suisses a été mené sur des singes. Les extrapolations au joueur sont en partie le fait de deux éditorialistes canadiens.
Pour comprendre comment la dopamine semble participer aux émotions du parieur, il est indispensable de résumer le travail mené chez l'animal.
Des singes apprennent que, après un signal de deux secondes, un peu de sirop va être bientôt distribué. C. Fiorillo et son équipe, au cours de diverses expériences, ont fait varier la probabilité de recevoir la sucrerie. La récompense n'arrivant jamais (0), une fois sur quatre (0,25) ou sur deux (0,5), trois fois sur quatre (0,75) ou à chaque fois (1). La décharge de dopamine cérébrale est mesurée et minutée. Globalement, il existe une décharge neuronale de dopamine liée à la possibilité de récompense, qui survient avant la distribution, mais avec des variations. La libération de dopamine est d'autant plus basse que la probabilité de recevoir du sirop est nulle ou élevée. Les auteurs établissent une courbe montrant que la décharge neuronale s'élève avec les probabilités 0 à 0,5, pour décroître ensuite.
Une autre partie du travail a consisté à augmenter les doses de sirop. L'ampleur de la réaction dopaminergique combine la quantité et la chance d'une récompense.
La récompense au jeu de hasard
Et notre joueur de roulette ? Selon les auteurs, l'élévation de la dopamine contribue à la notion de récompense au jeu de hasard. Quand on se souvient de l'importance du neuromédiateur dans les comportements addictifs, la conclusion des auteurs n'est pas à prendre à la légère. Des élévations intermittentes de dopamine créent une sensibilisation, conduisant à la recherche récurrente de cette sensation.
Mais la dopamine ne semble pas faire bon ménage avec les capacités de réflexion devant une table de roulette. Surtout quand elle se mêle à la double composante émotionnelle et cognitive... et à de gros gains potentiels. Le joueur face à la banque n'a que 5,26 % de chances. Il le sait pertinemment. Pourtant, il évalue souvent mal les chances de sorties successives des chiffres. Cette perception faussée peut contribuer largement à l'impression absurde du joueur qu'il peut battre le sort. L'élévation de la dopamine pourrait mener à cette prise de risque.
Les chercheurs fournissent une hypothèse explicative. En se fondant sur l'observation animale, ils constatent que la décharge dopaminergique favorise les capacités d'attention. De ce fait, l'apprentissage de facteurs prédictifs et d'actions s'en trouve amélioré, permettant de mieux appréhender les relations entre un stimulus externe et ses conséquences éventuelles. De là à croire qu'on peut battre la banque, il n'y a qu'un pas, qui coûte cher.
« Science » 21 mars 2003, vol. 299, 1898-1902 et éditorial.
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