LES MAISONS DE SANTÉ pluridisciplinaires ont le vent en poupe. Lieux de soins où, selon le projet du gouvernement, exerceront conjointement des médecins généralistes, des paramédicaux et, éventuellement, des spécialistes qui viendraient y effectuer des vacations, ces maisons de santé seront le plus souvent appelées à être situées dans les zones rurales, afin de rompre l'isolement des professionnels, et de pallier une démographie médicale vacillante.
Un SROS ambulatoire.
Ce rapprochement de professionnels permettra, en outre, aux populations de trouver en un même lieu une large offre de soins de premier recours. Ces structures (parfois appelées aussi pôles de santé ou encore communautés de santé) ont été récemment portées sur les fonts baptismaux par Roselyne Bachelot, qui a annoncé au début de l'année 2008 que l'État participerait financièrement à la mise en oeuvre de 100 projets «à hauteur de 50000euros au maximum par projet». Roselyne Bachelot indiquait également que ces aides seraient plutôt destinées aux maisons de santé qui s'implanteraient dans des zones déficitaires en offre de soins, «mais pas uniquement». Mercredi, Roselyne Bachelot, lors d'un colloque organisé par MG-France, a précisé son projet, et a notamment indiqué que, afin d'améliorer la répartition de ces structures dans un «principe d'efficience et d'équité», elle souhaitait «promouvoir le principe du SROS (schéma régional d'organisation des soins) ambulatoire». Pour Roselyne Bachelot, ce SROS sera issu d'un «diagnostic santé» effectué «dans chaque bassin de vie» par les professionnels de santé, les patients et les élus, qui en «déduiront un projet de santé qui pourra être consolidé au niveau de l'ARS, de manière à assurer sa cohérence avec les autres schémas d'organisation hospitalier et médico-social». Roselyne Bachelot a cependant voulu calmer les esprits : «Ce schéma ne sera pas opposable, a-t-elle précisé, et les professionnels de santé qui ne souhaiteront pas s'y conformer seront tout à fait libres de s'installer où bon leur semble. Mais ils ne bénéficieront pas des aides publiques qui iront renforcer le fonctionnement et la création de ces structures.» La ministre de la Santé a également indiqué que les mesures d'aide au déploiement des maisons de santé, et qui figureront dans son projet de loi Santé, patients et territoires débattu à l'automne prochain, feront l'objet «d'une évaluation rigoureuse et continue».
Enfin, au sujet des aides qu'elle avait déjà indiqué vouloir apporter à la création de maisons de santé (100 aides d'un montant maximal de 50 000 euros chacune en 2008), Roselyne Bachelot a annoncé que le cahier des charges national des maisons de santé, qui devait être élaboré par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, venait «d'être envoyé aux missions régionales de santé qui auront la charge de répartir ces aides en 2008 en fonction des besoins de nos concitoyens et dans une logique d'aménagement de l'offre de soins ambulatoire sur le territoire».
Ces aides proviendront dans un premier temps du FIQCS (fonds d'aide à la qualité et à la coordination des soins). Mais, renseignements pris auprès des missions régionales de santé, il semblerait que ce document ne soit pas encore parvenu à ses destinataires.
« Communautés de santé ».
Si les maisons de santé pluridisciplinaires sont aujourd'hui au centre du débat, l'idée n'est pas d'hier. En octobre 2007 déjà, le rapport du sénateur UMP Jean-Marc Juilhard préconisait, dans les zones sous-médicalisées, la multiplication des maisons de santé, dotées d'un label et d'un cahier des charges. Plus récemment, le rapport du député UMP André Flajolet reprenait le concept, qu'il appelait pour sa part des «communautés de santé».
Mais, sur le terrain aussi, les choses bougent. La Mayenne, comme plusieurs autres départements, vient de boucler un projet départemental faisant la part belle à ces nouveaux lieux d'exercice, et les colloques se multiplient sur le sujet : ce département organisait une journée de travail et d'explication axée sur la problématique des maisons de santé voici 15 jours ; mercredi, c'était donc au tour de MG-France de réaliser une rencontre au Sénat sur ce thème, et aujourd'hui a lieu à Besançon un colloque intitulé « Maisons de santé, une solution d'avenir ? ».
Les avis sont pourtant partagés sur la question. Si MG-France et la FMF soutiennent ces projets(pour Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, «les MSP sont l'exercice de demain»), des syndicats comme la CSMF ou le SML sont plus réservés sur la question. Michel Chassang, président de la CSMF, indiquait ainsi il y a quelque temps au « Quotidien » que «la solution des maisons de santé ne doit en aucun cas être généralisée à la France entière sous peine de porter une atteinte grave à la médecine libérale».
Inquiétude sur le financement.
Il reste que la question du financement déterminera la faisabilité du dispositif. Et, à cet égard, bien des questions demeurent, même si la loi Santé, patients et territoires devrait prévoir des modalités de financement, tant pour la création que pour le financement de ces structures. Mais des inquiétudes demeurent : il y a quinze jours, l'Ordre des médecins et les syndicats de médecins libéraux CSMF, SML, MG-France et FMF publiaient un communiqué commun pour alerter le gouvernement et le Parlement sur l'urgence de «protéger le secteur de la santé des appétits des financiers». Dans leur ligne de mire, la Commission européenne, qui veut aligner la France sur la législation européenne et laisser «des capitaux, de toute nature, prendre la maîtrise des sociétés d'exercice libéral (SEL) constituées entre professionnels de santé libéraux». Ces capitaux (grands investisseurs financiers, fonds de pension, fonds souverains) lorgneraient actuellement essentiellement sur les laboratoires d'analyses ou les spécialités à plateaux techniques, mais les maisons de santé pluridisciplinaires pourraient bien aussi en être la cible. Comme s'en inquiètent déjà des partisans de ces maisons de santé.
Ce que devrait être une maison de santé « modèle »
Les maisons de santé pluridisciplinaires paraissent avoir un bel avenir devant elles.
Roselyne Bachelot a affirmé, lors de son discours au Sénat, qu'elles constitueraient un élément de modernisation du système de santé en permettant de lutter contre «l'avancée de la désertification médicale» et des «disparités territoriales qui se creusent».
La ministre de la Santé entend faire des maisons de santé «un point cardinal de son projet de loi Santé, patients et territoires». Elle a indiqué avoir adressé un nouveau cahier des charges aux missions régionales de santé (MRS) qui auront pour objectif de répartir les aides à la création ou au développement de 100 maisons de santé d'un montant maximal de 50 000 euros par projet. Le document n'est toujours pas parvenu aux institutions régionales, mais la ministre en a toutefois déjà précisé quelques contours lors de son intervention. Dans l'idéal, les maisons de santé devront permettre de lutter contre l'isolement des généralistes libéraux et garantir à la population une continuité et une permanence des soins «grâce à une meilleure répartition de la charge de travail et des horaires de présence». Les maisons de santé devraient rassembler des médecins généralistes, des infirmières, des kinésithérapeutes, des diététiciens, des podologues… Elles devraient «faciliter le développement d'activités nouvelles comme la prévention et l'éducation thérapeutique» et pourront aussi servir de lieux de stage pour les étudiants ou d'espaces d'échanges entre praticiens. Même si la ministre de la Santé a indiqué qu'elle n'avait «nullement l'intention de contraindre les professionnels de santé dans leur mode d'exercice», elle a ajouté qu'elle voulait «donner à ceux qui le souhaitent les moyens d'évoluer vers ce mode d'exercice». Comme convenu lors des EGOS, les MRS puis les agences régionales de santé (ARS) devront identifier, en concertation avec l'État, les collectivités locales et les professionnels de santé, les localisations justifiant la création de maisons de santé de manière prioritaire. «La répartition de l'offre de soins ambulatoire sera l'expression de la volonté des acteurs locaux et tiendra précisément compte de leur capacité», a assuré la ministre de la Santé, avant de préciser que ce schéma ne serait pas opposable.
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