Classique
A l'origine du projet de Kader Belarbi, quelques dessins à l'encre de Balthus qui lui furent suggérés par Agathe Berman. Suivirent un véritable engouement pour le sujet de la part de Brigitte Lefèvre, directrice de la Danse à l'Opéra de Paris et la commande à Philippe Hersant, compositeur français né en 1948, d'une partition originale. Deux ans après Belarbi peut ajouter à la dizaine de chorégraphies déjà réalisées pendant sa carrière de danseur, la création mondiale d'un véritable « ballet » en deux actes sur la scène de l'Opéra-Garnier.
Il a su s'entourer d'artisans comme Peter Pabst, scénographe attitré de Pina Bausch qui a réalisé la plus belle et la plus imaginative des scénographies et des éclairages irréels pour évoquer la rude lande du Yorkshire, l'atmosphère empesée des salons de la bourgeoisie campagnarde et les rêves immatériels dont Belarbi a peuplé son second acte, un acte « blanc » à la manière de « Giselle » ou du « Lac des Cygnes ».
Pour utiliser et mettre en valeur le corps de ballet, il a imaginé une démultiplication des personnages de Catherine et d'Heathcliff, gardes d'esprit pour l'une (danseuses en blanc, sur pointes), gardes du corps pour l'autre. Superbes costumes également d'Elsa Pavanel pour évoquer ce romantisme anglais.
Le premier acte d'« Hurlevent », par son découpage et sa parfaite lisibilité, colle tout à fait au roman ; il s'achève à la mort de Catherine. Le second acte fait intervenir, mêlée à la trame narrative, la quête spirituelle d'Heathcliff et par moments l'action se fait un peu confuse. Il s'achève dans la grande tradition du ballet romantique - et en ce sens le postulat d'établir un parallèle entre le roman et le ballet romantique fonctionne parfaitement - par les retrouvailles de Catherine et Heathcliff au-delà de la mort.
Une chorégraphie réfléchie
Si des influences sont évidentes, Roland Petit pour la forme, Mats Ek pour le vocabulaire chorégraphique, le style de Kader Belarbi est bien personnel, nourri de vingt ans d'expérience tant dans les murs du palais Garnier qu'à l'extérieur. Sa chorégraphie est classique dans le sens que tout y est pesé, réfléchi, vraisemblable. L'interprétation est superlative par les danseurs de la première (une seconde composée d'éléments plus jeune danse « Hurlevent » en alternance) parfaitement choisis par le chorégraphe. Connaissant les styles et les possibilités de ses camarades, Belarbi a réalisé un sans-faute, confiant les rôles principaux à Marie-Agnès Gillot, parfaitement à l'aise dans le rôle versatile de Catherine et à Nicolas Le Riche, à son habitude toujours un peu détaché émotivement, mais très en situation dans les ambiguïtés d'Heathcliff. Jean-Guillaume Bart (Edgar), Eléonora Abbagnato (Isabelle), Jean-Marie Didière (Joseph), Céline Talon (Nelly), Gil Isoart (Linton) complétaient cette distribution.
La musique de Philippe Hersant, première incursion dans ce domaine pour ce compositeur, est parfaitement narrative, collant à l'action plus à la manière d'une musique de film que selon des numéros traditionnels. Elle fait appel, tout comme le découpage du ballet, à des leitmotiv et son orchestration très symphonique est toujours très évocatrice de l'atmosphère du roman. Elle était défendue sans faille par l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Vello Pähn.
On gage qu'au contraire de déceptions cuisantes essuyées sur la même scène, par nombre de chorégraphes étrangers à l'univers du Ballet de l'Opéra de Paris, « Hurlevent » de Kader Belarbi est appelé à une belle carrière autant au palais Garnier que sur des scènes extérieures.
Opéra-Garnier (08.36.69.78.68). Dernière représentation le 13 à 19 h 30. Prix des places : de 5 à 40 euros - Prochain spectacle : « Coppélia », chorégraphie de Patrice Bart, du 14 au 27 mars.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature