L’insuffisance vitaminique est très fréquente

Rôle et importance de la vitamine D dans l’ostéoporose

Publié le 02/04/2006
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QUELLES sont les différentes fonctions de la vitamine D ? Quel métabolite faut-il doser ? Quelles sont les répercussions d’un déficit en vitamine D ? Autant de questions auxquelles il était important d’apporter des réponses actualisées. Car, si le rachitisme a été décrit au XVIIe siècle et le pouvoir antirachitique de l’huile de foie de morue décelé dès la fin du XVIIIe, les découvertes et les recherches concernant la vitamine D ont continué à s’égrener jusqu’à aujourd’hui.

D’où l’intérêt de faire le point sur le rôle essentiel de la vitamine D, tout particulièrement dans le métabolisme phosphocalcique.

Un objectif qui a été largement atteint lors de la réunion organisée le 21 février dernier par le « Quotidien du médecin »* et présidée par le Pr Pierre D. Delmas. Ce « Rendez-vous du Quotidien » a permis à plusieurs experts** et à un panel de généralistes et de rhumatologues libéraux d’apporter un nouvel éclairage sur le sujet.

L’insuffisance en vitamine D est très répandue.

«L’insuffisance en vitamineD est largement répandue chez les femmes ménopausées, même dans les pays à fort ensoleillement.» C’est là un des messages du Dr Gérald Rajzbaum (Fondation hôpital Saint-Joseph), qui a exposé les récentes études épidémiologiques accomplies dans ce domaine. En exergue, il a précisé que la définition de l’insuffisance en vitamine D n’est pas consensuelle. En règle générale, on considère toutefois qu’une insuffisance vitaminique est « suggérée » lorsque la concentration de 25(OH)D est inférieure à 30 ng/ml.

Or les études épidémiologiques sont concordantes : l’insuffisance en vitamine D est fréquente et ubiquitaire. Cela a notamment été montré par les résultats de la première phase d’une étude épidémiologique (1), menée dans 18 pays de latitudes différentes, chez près de 1 300 femmes ménopausées ostéoporotiques autonomes de plus de 55 ans qui recevaient, dans la moitié des cas, une prescription de vitamine D et, dans 63 % des cas, un traitement antiostéoporotique. Malgré ce traitement, 59 % des femmes, tous pays confondus, ont un taux de 25(OH)D3 inférieur à 30 ng/ml. En France, la prévalence de l’insuffisance en vitamine D est de 52 %, moindre qu’en Espagne (64 %) et surtout qu’au Moyen-Orient (81 %), signant le fait que d’autres facteurs que l’ensoleillement jouent un rôle (pigmentation de la peau, habitudes vestimentaires…).

Un constat similaire a été fait à la suite de l’enquête Su.Vi.Max (2), puisque, parmi les volontaires sains de sexe féminin, extraits de la cohorte (51 % de femmes ; âge moyen : 47 ans), 78 % avaient des taux de 25(OH)D3 de moins de 31 ng/l. La situation est encore plus alarmante chez les adultes hospitalisés pour fracture non traumatique : dans un travail récent (3), plus de 97 % de ces patients avaient une insuffisance vitaminique. Enfin, en 2005, P. Lips et coll. (4) ont publié des chiffres comparables issus d’une étude menée dans plusieurs pays du globe chez 2 589 femmes ménopausées ostéoporotiques, avec, en général, 50-60 % d’insuffisance en vitamine D.

Les femmes ménopausées ont des difficultés à avoir des apports suffisants en vitamine D, même lorsqu’elles sont traitées pour une ostéoporose : l’exposition solaire peut être limitée, l’alimentation fournit peu de vitamine D, la synthèse est moins efficace et la quantité du précurseur de la vitamine D dans la peau plus faible chez le sujet âgé ; l’observance des patientes pour la supplémentation est loin d’être constante.

Synthétisée dans la peau.

Le Dr Pascal Guggenbuhl (CHU de Rennes) a rappelé que la vitamine D est synthétisée dans la peau à partir d’un dérivé du cholestérol, le 7-déhydrocholestérol qui, sous l’influence des rayons ultraviolets (UVB), donne naissance à une prévitamine D3 puis à la vitamine D3. Après passage dans le sang, la vitamine est hydroxylée dans le foie pour former la 25(OH)D3 ou calcidiol puis dans le rein, aboutissant à la formation de 1,25(OH)2D3 ou calcitriol qui représente la forme biologiquement active.

Cette synthèse cutanée constitue la principale source de vitamine D pour l’organisme (environ 80 %). L’alimentation peut également, mais en plus faible proportion (environ 20 %), fournir de la vitamine D qui est alors absorbée au niveau intestinal avant de subir les mêmes transformations que le calciférol d’origine endogène.

«Il faut savoir que le taux du produit final, la 1,25(OH)2D3, est très stable car hautement régulé et que son dosage, s’il est possible, est de peu d’intérêt en pratique», a souligné le Dr Pascal Guggenbuhl. En revanche, la 25(OH)D3, qui correspond à la forme de stockage, est le seul métabolite à faire doser en pratique courante. Sa concentration varie notamment en fonction de l’ensoleillement et de la saison, avec un nadir à la fin de l’hiver et un pic à la fin de l’été, tandis que le taux de parathormone (PTH) obéit à des variations inverses.

L’insuffisance en vitamine D favorise la perte osseuse.

La conséquence majeure du déficit en vitamine D est l’apparition d’une hyperparathyroïdie secondaire qui augmente la perte osseuse. La baisse du taux de 1,25(OH)2D3 est responsable, d’une part, d’une diminution de l’absorption du calcium et du taux de calcium ionisé et, d’autre part, agit directement sur les parathyroïdes. L’augmentation du taux de PTH qui en résulte provoque une augmentation de la réabsorption intestinale du calcium, une diminution de son élimination urinaire et une augmentation de la résorption osseuse.

L’étude des marqueurs osseux montre bien que plus le taux de calcidiol est bas, plus le remodelage osseux est important.

Des effets également musculaires.

Tous ces événements, à savoir la baisse de l’absorption du calcium et l’augmentation de la PTH, concourent à la baisse de la densité osseuse et in fine majorent le risque de fracture. Il faut leur ajouter une autre cause fracturaire liée au déficit en vitamine D : l’altération du fonctionnement neuro-musculaire.

En effet, la vitamine D n’agit pas seulement sur l’os. Elle exerce des effets sur les cellules musculaires, à la fois génomiques (jouant sur les fibres de type II) et non génomiques, avec activation de la protéine kinase C et augmentation de la disponibilité du calcium cytosolique. On a montré que la performance musculaire diminue avec les concentrations de 25(OH)D3. Ces données indiquent que, si «une quantité suffisante de vitamineD est essentielle à la santé du squelette», elle est également essentielle à la fonction musculaire et même à de nombreuses fonctions cellulaires non squelettiques, puisque la plupart des cellules de l’organisme ont un récepteur de la vitamine D.

* Avec le soutien institutionnel des Laboratoires MSD-Chibret.
** Pr Pierre D. Delmas (Lyon), Pr Patrice Fardellone (Amiens), Dr Pascal Guggenbuhl (Rennes), Dr Gérald Rajzbaum (Paris). (1) Lim SK, ISCD, février 2005, La Nouvelle-Orléans.
(2) Chapuy MC. « Osteoporos Int » 1997 ; 7 : 439-43.
(3) D’après Simonelli C, ASBMR, octobre 2004, Seattle.
(4) Lips P et coll. « JBMR », 2005.

> Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7932