Sens et causes
« Toute existence n'est que douleur. Ne vous révoltez pas contre votre condition actuelle car elle est punition du passé » (premier sermon du bouddha).
La douleur est une sensation désagréable et inconfortable associée à une expérience émotionnelle, l'ensemble étant potentiellement lié à une lésion. Depuis la nuit des temps, la douleur interroge l'individu sur le sens de celle-ci, sur ses causes et plus généralement sur le sens de son existence.
Détresse psychologique
La lombalgie est caractérisée par un processus douloureux qui exige une analyse pluridimensionnelle comme avec toute douleur. Le passage à la chronicité qui concerne peu de patients est redoutable par la survenue d'une incapacité sociale sévère, par un absentéisme prolongé, par la survenue d'une détresse psychologique. L'incapacité et les perturbations de la qualité de vie sont indépendantes de l'intensité douloureuse. Le dépistage précoce des lombalgiques à risque d'incapacité chronique est l'enjeu principal.
Se battre ou éviter
La peur a pour fonction de dépister précocement des situations potentiellement menaçantes pour l'intégrité de la personne. Elle concerne aussi bien l'intégrité physique que l'intégrité psychologique de l'individu. La peur fait appel à une analyse de la situation, à une stratégie comportementale visant soit à se battre, soit à éviter la confrontation. Ce processus est observé au cours de la douleur. Indépendamment de l'intensité d'une douleur, « l'incapacité à faire » est issue de l'évitement et de la peur face à la pratique des activités.
Dès la deuxième semaine, les lombalgiques qui vont passer à l'incapacité chronique développent une peur de la douleur qui précède l'augmentation de l'intensité douloureuse.
Cette situation peut être expliquée par une interaction entre le facteur nociceptif, sa composante émotionnelle et une autre histoire émotionnelle antérieure (réactivation d'une expérience émotionnelle préexistante), mais aussi par les croyances.
Interprétation des événements
Les croyances sont des hypothèses à partir desquelles l'individu interprète les événements. Les croyances erronées (idées fausses) concernant la lombalgie et ses causes sont liées à la fois au patient et aux acteurs de santé. En effet, la construction des croyances se fait à partir d'un passage incessant du langage médical vers le public. Les croyances issues du discours médical complètent et enrichissent les croyances familiales, socioculturelles ou religieuses. Le lombalgique utilise très souvent ou réemploie le langage médical pour expliquer ses symptômes.
Alors que les modèles de chronicisation font appel à d'autres données que biomédicales (facteurs psychoaffectifs, socioprofessionnels), le modèle biomédical apparaît dominant dans la culture commune. Les mythes principaux sur la lombalgie sont le lien avec les lésions, l'importance des images, et le concept de faux mouvement (qui rejoint parfois celle de la culpabilité : « j'ai fait une bêtise »), l'importance thérapeutique du repos. Ce modèle biomédical très inhibiteur est renforcé par le comportement des acteurs de santé et par les avis de l'entourage (conjoint, etc.).
Le « catastrophisme »
Le comportement d'évitement anxieux est aussi favorisé par une option négative cognitive, processus inconscient, le « catastrophisme », fortement corrélée à l'incapacité. Celui-ci a quatre composantes : la rumination, l'amplification, la recherche de soutien, le désespoir acquis. Nous avons montré que cette stratégie cognitivo-comportementale était liée aux perturbations psychologiques dans la chronicité douloureuse et que les facteurs environnementaux jouaient un rôle déterminant. La stratégie de catastrophisme, la croyance en l'évitement anxieux sont fortement corrélées aux conditions environnementales émotionnelles en particulier professionnelles (insatisfaction au travail, peu d'autonomie au travail).
Peur et mauvais pronostic
La peur de la douleur et du mouvement est issue de cette double perception : les croyances et le catastrophisme conduisant à un comportement de vigilance accrue et d'attention renforcée vis-à-vis de toutes les sensations corporelles. Cette vigilance concerne à la fois les sensations, mais aussi ce qui est dit. Plus la vigilance se renforce, plus les croyances négatives se renforcent, plus l'incapacité est élevée.
Les lombalgiques chroniques ne forment pas un groupe homogène. Les formes les moins graves (incapacité et détresse psychologique faibles, ayant des croyances faibles en la nécessité de l'évitement en particulier dans la dimension « travail ») sont accessibles à des thérapies de restauration fonctionnelle du rachis, couplées éventuellement à des thérapies cognitivo-comportementales.
A l'opposé, sont ceux qui ont une détresse psychologique forte associée à un comportement d'attachement au symptôme soit parce que le « bénéfice » affectif issu de la douleur est trop important, soit que le symptôme permet à l'individu de se tenir. Dans ces formes, les traitements sont le plus souvent voués à l'échec.
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