« Imaginez-vous que chaque jour nous avons 35 000 personnes, l'équivalent de la population d'une ville comme Béziers qui débarque à Roland-Garros, avec tous les risques d'accidents qui peuvent survenir lors d'un tel afflux de population. » Le Dr Jacqueline Broquié, responsable du service médical public, avoue qu'elle en est à sa vingt-cinquième édition des Internationaux de France. « J'ai grandi avec le tournoi, confie-t-elle, évoquant ses débuts dans un local exigu, avec des moyens de fortune. Aujourd'hui, nous disposons de trois antennes médicales dernier cri, une sous chaque court, avec six médecins, tous diplômés d'urgence et de réanimation, certains, internistes, et quatorze infirmières spécialisées dans les secours d'urgence. »
Tous ces professionnels sont sur le pied de guerre chaque jour, dès huit heures et jusqu'au départ du dernier spectateur, tard le soir.
L'an dernier, ils ont été sollicités à 2 940 reprises. Quatre cas ont nécessité des évacuations sanitaires vers des hôpitaux, en particulier un ancien joueur victime d'une décompensation cardio-vasculaire. Quelques décompensations diabétiques ont aussi été à signaler. Mais, dans l'ensemble, rien de dramatique : « Principalement de la bobologie, des réactions à la chaleur ou à la pluie, sans conséquence majeure, grâce au ciel », se félicite le Dr Broquié.
Abeilles et pollens
Quelques anecdotes mémorables : cette spectatrice qui a perdu ses eaux au milieu d'un match (mais qui n'accouchera que quarante-huit heures plus tard), un essaim d'abeilles découvert, dans la frondaison d'un hêtre, des crises d'angoisse, quelques réactions allergiques majeures (avec la proximité du bois de Boulogne, Roland-Garros est un haut lieu pollinique), quelques fractures, foulures et autres ruptures du talon d'Achille, des points de suture. Si les spectateurs ne sont pas forcément eux-mêmes des sportifs, dans l'ensemble, ils sont en bonne condition physique.
Seul facteur de risque inédit pour cette version 2003 : la pneumopathie atypique. Des réunions ont été organisées à son sujet, en liaison avec le SAMU de Paris et la direction générale de la Santé. Finalement, les spectateurs ne devront pas remplir de questionnaires ad hoc, car on fait confiance au sens de la responsabilité des spectateurs éventuellement exposés. Et, en cas de détection de symptômes suspects, des mesures d'isolement seront immédiatement appliquées, avec l'intervention des équipes de brancardiers de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris présents sur place, vers une cabine d'isolement spécialement aménagée, avant l'évacuation.
Côté joueurs, c'est le Dr Bernard Montalvan qui dirige la manœuvre médicale. A 47 ans, ce rhumatologue, qui a fait ses classes avec le Pr Jean-Pierre Cousteau, son prédécesseur, collabore à la Fédération française de tennis depuis 1987. Médecin fédéral depuis trois ans, il partage son temps entre la FFT et sa pratique libérale. Pendant la compétition, cinq confrères se relayent sous sa responsabilité, les Drs Jacques Parier (son bras droit), Gabriel Nemes, Frédéric Lévêque, Jean-Pierre Fieuzal et Bruno Tolloenaere. S'y ajoutent huit infirmiers et quatre échographistes, tous mobilisés selon des tours de garde qui commencent à 8 heures, dans l'un des deux sites médicaux dédiés.
L'an dernier, 667 consultations ont été comptabilisées, 160 en médecine générale (69 en ORL, 29 en dermato, 15 en digestif, 3 en ophtalmo), 279 en traumatologie (73 lésions des membres inférieurs, 42 des membres supérieurs, 21 du rachis, 12 de l'abdomen, 1 du thorax ; 44 tendinopathies, 37 pathologies musculaires, 24 arthropathies, 15 entorses, 4 neuropathies, 3 pathologies osseuses).
Là non plus, « pas de gros coup dur, se réjouit le Dr Montalvan, nous pratiquons une médecine plutôt luxueuse, à l'abri des accidents majeurs, ce qui s'explique par l'âge des joueurs, inférieur à 35 ans, et par les examens qu'on leur fait subir : les joueurs français passent des tests d'efforts, des échocardiogrammes et leur VO2 max est mesuré. On verrouille ».
Toujours sous la houlette de Bernard Montalvan, un service kiné est mis à la disposition des joueurs : vingt kinés (12 hommes et 8 femmes, tous formés à la kinésithérapie du sport, à la thérapie manuelle et bilingues français-anglais) ainsi que deux pédicures-podologues se relayent dans quatre salles spécialement aménagées, contiguës des vestiaires. « Nous procédons autant à des séances d'échauffement qu'à des programmes de récupération active (réoxygénation, réhydratation...), explique Christophe Ceccaldi, 38 ans, responsable du service, familier de Roland-Garros depuis 1986 et employé à plein-temps par la Fédération depuis 1999. Avec le temps, des liens se sont créés avec les joueurs. Nous sommes aussi là pour être à leur écoute. » Dans leurs mains expertes, les champions se racontent et parlent généralement d'autre chose que de tennis. Le plus souvent, dans ce contexte d'intense pression que suscite la compétition, le kiné se double alors du psy de service.
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