A Roissy, dans la zone d'attente par laquelle transitent plus de 95 % des demandeurs d'asiles en France (23 072 étrangers en 2001 et 14 062 pour les huit premiers mois de l'année 2002), « les mauvais traitements semblent particulièrement fréquents », accuse le rapport de MDM.
A la faveur des quelque vingt permanences (dont deux nocturnes) effectuées en 2002 par une de ses équipes de bénévoles, dont 13 médecins, ainsi que des quinze interventions effectuées à la suite d'appels de l'ANAFE**, l'ONG a recensé 60 cas de violences alléguées par des personnes maintenues en zone d'attente. Dans 31 de ces cas, un constat médical a été dressé et 15 certificats rédigés ; en dehors d'un cas (une torsion de testicule post-traumatique), ces violences n'ont pas justifié d'hospitalisation. Plusieurs consultations aux urgences de l'hôpital d'Aulnay ou à Jean-Verdier (Bondy) ont été nécessaires : un cas de perforation tympanique, trois cas de dents cassées, trois cas de blessures demandant des points de suture.
Les lésions le plus souvent rencontrées sont les hématomes, les contusions et les érosions au niveau de la face, des jambes, de la tête et des poignets. Moins fréquemment, poursuit le rapport, ces mêmes lésions sont relevées au niveau du dos, de l'abdomen et du thorax. Dans un cas ont été notées « des lésions allongées au niveau du dos tout à fait spécifiques des lésions laissées par des coups de matraques ou tout autre objet contondant de même nature ».
Gifles, claquettes, coups de matraques
Les interrogatoires médicaux font état de gifles, coups de pieds dans les jambes et le bas-ventre, coups de poing sur le visage, claquettes (gifles appliquées simultanément sur les deux oreilles), usages de matraques. Des allégations jugées « toutes compatibles avec les certificats médicaux » dressés, alors qu'elles ne cadrent pas en revanche, avec la version selon laquelle la victime serait elle-même responsable des lésions qu'elle présente. De surcroît, de nombreux témoignages indirects de personnes en rétention non directement concernées par les faits corroborent les propos tenus par les blessés.
Pour MDM, « le caractère répétitif et la cohérence des propos tenus par les 31 personnes renforcent la crédibilité des faits allégués. On n'a donc pas affaire à des actes isolés mais bien à des comportements répétés survenant essentiellement à l'arrivée des étrangers ou lors de tentatives de rembarquement vers le pays de provenance. »
Entre ces deux séquences, le séjour lui-même à l'intérieur de la zone d'attente ne suscite pas moins de questions : si une permanence médicale est assurée cinq fois par semaine à ZAPI 3 (zone d'attente pour les personnes en instance), à ZAPI 2, la gestion des urgences médicales repose exclusivement sur la police de l'air et des frontières (PAF) avec un personnel non formé à reconnaître la gravité des situations ; MDM a ainsi pu relever plusieurs exemples de retard dans l'accès aux soins urgents ; les femmes enceintes au huitième mois ou plus, les personnes malades, très âgées ou les nourrissons de quelques semaines sont enfermés sans couverture médicale ; les médicaments sont souvent retirés à l'arrivée pour des raisons de sécurité.
Enfin, les conditions matérielles de maintien sont médiocres, voire mauvaises, selon les cas : à ZAPI 3, où la qualité serait « hôtelière », MDM déplore l'usage des hauts parleurs très systématique, même la nuit, les réveils abusifs à 3 ou 4 heures du matin ; à ZAPI 2, des plaintes ont été relevées pour absence de chauffage et manque de couverture malgré le froid hivernal.
Mais c'est dans les aérogares, dans les postes de police ou les salles de transit que les plaintes touchent souvent à l'essentiel : grandes difficultés d'accès aux toilettes, à la nourriture et à l'eau.
Accouru sur les lieux la veille de la publication du rapport, le ministre de l'Intérieur est venu pour « voir, apprendre, comprendre ». Rencontrant notamment une femme qui tremblait et perdait du sang, Nicolas Sarkozy a ordonné : « Il faut la faire soigner tout de suite », estimant que la situation des ZAPI apporte « la démonstration que les retours groupés sont justifiés, c'est la condition de la préservation des conditions humanitaires ».
* Rapport disponible sur www.medecinsdumonde.org.
** Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, qui regroupe notamment Amnesty international, la CIMADE, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des pilotes de l'aviation civile et qui s'associe à MDM pour demander un droit de visite permanent à Roissy.
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